de telles
matinees pronostiquent des heures brulantes pour le milieu du jour. Les
rayons du soleil deviennent de plus en plus torrides a mesure qu'il
s'eleve. Un vent violent souffle, mais il n'apporte aucune fraicheur. Au
contraire; il souleve des nuages de sable brulant et nous les lance a la
face. Il est midi. Le soleil est au zenith. Nous marchons peniblement a
travers le sable mouvant. Pendant plusieurs milles nous n'apercevons aucun
signe de vegetation. Les traces des wagons ne peuvent plus nous guider: le
vent les a effacees.
Nous entrons dans une plaine couverte d'_artemisia_ et de hideux buissons
de plantes grasses. Les branches tordues et entrelacees entravent notre
marche. Pendant plusieurs heures, nous chevauchons a travers des fourres
de sauge amere, et nous atteignons enfin une autre region, une plaine
sablonneuse et ondulee. De longs chainons arides descendent des montagnes
et semblent s'enfoncer dans les vagues du sable amoncele de chaque cote.
Nous ne sommes plus entraves par les feuilles argentees de l'artemisia.
Nous ne voyons devant nous que l'espace sans limite, sans chemins traces
et sans arbres. La reverberation de la lumiere par la surface unie du sol
nous aveugle. Le vent souffle moins fort, et de noirs nuages flottant dans
l'air s'eloignent lentement. Tout a coup nous nous arretons frappes
d'etonnement. Une scene etrange nous environne. D'enormes colonnes de
sable souleve par des tourbillons de vent s'elevent verticalement
jusqu'aux nuages. Ces colonnes se meuvent ca et la a travers la plaine.
Elles sont jaunes et lumineuses. Le soleil brille a travers les cristaux
voltigeants. Elles se meuvent lentement, mais s'approchent incessamment de
nous. Je les considere avec un sentiment de terreur. J'ai entendu raconter
que des voyageurs, enleves dans leur tourbillonnement rapide, ont ete
precipites de hauteurs effrayantes sur le sol. La mule de bagages,
effrayee du phenomene, brise son licol et s'echappe vers les hauteurs.
Gode s'elance a sa poursuite. Je reste seul. Neuf ou dix gigantesques
colonnes se montrent a present, rasant la plaine, et m'environnent de leur
cercle. Il semble que ce soient des etres surnaturels, creatures d'un
monde de fantomes, animes par le demon. Deux d'entre elles s'approchent
l'une de l'autre. Un choc court et violent provoque leur mutuelle
destruction; le sable retombe sur la terre, et un nuage de poussiere
flotte au-dessus, se dissipant peu a peu. Plusieurs se sont rapp
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