mmes portaient le serape a carreaux ou la couverture rayee des
Navajoes; le sombrero conique a larges bords; les _calzoneros_ de velours,
avec des rangees de brillantes aiguillettes attachees a la veste par
l'elegante ceinture. Nous vimes des _mangas_ et des _tilmas_, et des
hommes chausses de sandales comme dans les pays orientaux. Chez les
femmes, nous pumes admirer le gracieux _rebozo_, la courte _nagua_ et la
chemisette brodee. Nous vimes encore tous les lourds et grossiers
instruments de l'agriculture: la charrette grincante avec ses roues
pleines; la charrue primitive avec sa fourche a trois branches, a peine
ecorchant le sol; les boeufs sous le joug, actives par l'aiguillon, les
houes recourbees entre les mains des cerfs-peons. Tout cela, curieux et
nouveau pour nous, indiquait un pays ou les connaissances agricoles n'en
etaient qu'aux premiers rudiments.
En route, nous rencontrames de nombreux _atajos_ conduits par leurs
_arrieros_. Les mules etaient petites, a poil ras, a jambes greles et
retives. Les _arrieros_ avaient pour montures des _mustangs_ aux jarrets
nerveux. Les selles a hauts pommeaux et a hautes dossieres, les brides en
corde de crin; les figures basanees et les barbes taillees en pointe des
cavaliers; les enormes eperons sonnant a chaque pas; les exclamations:
_Hola! mula! Malraya! vaya!_ nous remarquames toutes ces choses, qui
etaient pour nous autant d'indices du caractere hispano-americain des
populations que nous traversions. Dans toute autre circonstance, j'eusse
ete vivement interesse. Mais alors tout passait devant moi comme un
panorama ou comme les scenes fugitives d'un reve prolonge. C'est avec ce
caractere que les impressions de ce voyage sont restees dans ma memoire.
Je commencais a etre sous l'influence du delire et de la fievre. Ce
n'etait qu'un commencement; neanmoins, cette disposition suffisait pour
denaturer l'image des objets qui m'environnaient et leur donner un aspect
etrange et fatigant. Ma blessure me faisait souffrir de nouveau; l'ardeur
du soleil, la poussiere, la soif, et, par-dessus tout, le miserable gite
que je trouvais dans les _posadas_ du Nouveau-Mexique m'occasionnaient des
souffrances excessives.
Le cinquieme jour, apres notre depart de Santa-Fe, nous entrames dans le
sale petit _pueblo_ de Parida. J'avais l'intention d'y passer la nuit,
mais j'y trouvai si peu de chances de m'etablir un peu confortablement,
que je me decidai a pousser jusqu'a _Socorro_. C'etait
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