le dernier point
habite du Nouveau-Mexique, et nous approchions du terrible desert: la
_Jornada del muerte_ (l'etape de la mort). Gode ne connaissait pas le
pays, et a Parida je m'etais pourvu d'un guide qui nous etait
indispensable. Cet homme avait offert ses services, et comme j'avais
appris qu'il ne nous serait pas si facile d'en trouver un autre a Socorro,
j'avais ete force de le garder. C'etait un gaillard de mauvaise mine, velu
comme un ours et qui m'avait fortement deplu a premiere vue; mais je vis,
en arrivant a Socorro, que j'avais ete bien informe. Impossible d'y
trouver un guide a quelque prix que ce fut, tant etait grande la terreur
inspiree par la _Jornada_ et ses hotes frequents, les Apaches.
Socorro etait en pleine rumeur a propos de nouvelles incursions des
Indiens. Ceux-ci avaient attaque un convoi pres du passage de
Fra-Cristobal, et massacre les arrieros jusqu'au dernier. Le village etait
consterne. Les habitants redoutaient une attaque, et me considererent
comme atteint de folie quand je fis connaitre mon intention de traverser
le desert. Je commencais a craindre qu'on ne detournat mon guide de son
engagement; mais il resta inebranlable, et assura plus que jamais qu'il
nous accompagnerait jusqu'au bout. Independamment de la chance de
rencontrer les Apaches, j'etais en assez mauvaise position pour affronter
la _Jornada._ Ma blessure etait devenue tres-douloureuse, et j'etais
devore par la fievre. Mais la caravane avait traverse Socorro, trois jours
seulement auparavant, et j'avais l'espoir de rejoindre mes anciens
compagnons avant qu'ils eussent atteint El-Paso. Cela me determina a fixer
mon depart au lendemain matin, et a prendre toutes les dispositions
necessaires pour une course rapide.
Gode et moi nous nous eveillames avant le jour. Mon domestique sortit pour
avertir le guide et seller les chevaux et les mules. Je restai dans la
maison pour preparer le cafe avant de partir. J'avais pour temoin oisif de
cette operation le maitre de l'auberge, qui s'etait leve et se promenait
gravement dans la salle, enveloppe dans son serape. Au beau milieu de ma
besogne, je fus interrompu par la voix de Gode, qui appelait du dehors:
--Mon maitre! mon maitre! le gredin s'est sauve!
--Qu'est-ce que vous dites? Qui est-ce qui s'est sauve?
--Oh! monsieur! le Mexicain avec la mule; il l'a volee et s'est sauve
avec. Venez, monsieur, venez.
Rempli d'inquietude, je suivis le Canadien a l'ecurie. Mon cheval!...
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