t recues.
Combien differente etait-elle de ce qu'il l'avait jugee tout d'abord!
C'etait le mot qu'il se repetait sans cesse, et qui, a son insu, sans
qu'il en eut bien conscience, le ramenait a elle.
L'aimer, l'aimer d'amour? Jamais cette idee n'avait effleure son esprit.
Elle etait pour lui une amie, une camarade, rien de plus; une admirable
creature, une belle statue, voila tout.
Cependant leurs promenades continuaient, longues ou courtes, selon les
hasards de la journee, et Carmelita parlait souvent de son prochain
depart, mais pourtant sans partir: ce sejour au Glion faisait tant de
bien a sa mere, et, puisque le colonel ne partait pas lui-meme, elle
n'avait pas besoin de se presser.
Un matin, qu'ils s'etaient mis en route de bonne heure, ils avaient ete
surpris de la transparence et de la purete de l'air, qui etaient si
grandes qu'on apercevait des montagnes situees a une distance de dix
ou douze lieues, comme si elles eussent ete a quelques kilometres
seulement.
Comme ils regardaient ce spectacle, un montagnard, passant pres d'eux,
les salua et entrant en conversation avec eux, leur dit que cette purete
de l'air annoncait un orage prochain.
--Et pour quel moment cet orage? demanda Carmelita.
--Oh! cela, je ne peux pas le dire; mais surement aussitot que le vent
se sera etabli au sud-ouest.
--Est-ce que vous voulez que nous retournions a l'hotel? demanda la
colonel lorsque le paysan se fut eloigne, marchant devant eux de son
grand pas, lent, mais regulier.
--Pourquoi retourner?
--Mais de crainte de l'orage.
--J'avoue que j'ai peur de l'orage, mais d'un autre cote j'ai envie
aussi de voir un orage dans ces montagnes, de sorte que quand meme je
serais certaine que le tonnerre dut eclater avant une heure, je crois
que je continuerais notre promenade.
--Alors continuons-la quand meme puisque nous ne sommes certains de
rien; nous verrons bien.
--C'est cela, nous verrons bien.
Apres avoir rencontre le paysan qui leur avait predit la prochaine
arrivee d'un orage, ils avaient continue de gravir lentement le sentier,
qui, a travers des prairies et des bois, courait en des detours
capricieux sur le Banc de la montagne.
A vrai dire, rien, pour des personnes qui n'etaient pas du pays,
n'annoncait que cet orage fut prochain.
--Je crois que ce paysan a voulu nous faire peur, dit Carmelita.
--Et pourquoi?
--Pour rien, pour s'amuser, pour le plaisir de nous faire retourner sur
nos pas e
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