ette femme voilee qui s'avancait vers lui, il tressaillit.
--Qui est la? dit-il.
Elle ne repondit pas, mais d'un geste brusque elle releva son voile; en
meme temps, elle jeta loin d'elle le manteau qui l'enveloppait.
Dans tous ses mouvements, il y avait quelque chose de theatral, et son
entree ressemblait jusqu'a un certain point, a celle d'un premier role.
Le voile releve d'une main, le manteau jete d'une autre, avaient une
couleur d'opera-comique qui amusait la marquise.
--Henriette! s'ecria-t-il en se levant de son fauteuil.
--Non, pas Henriette! mais la marquise de Lucilliere.
--N'avez-vous pas recu l'envoi que je vous ai fait avant mon depart?
dit-il.
--Je l'ai recu.
--Et vous n'avez pas compris pourquoi je quittais Paris?
--Longtemps je suis restee sans comprendre, mais enfin ma raison a pu
admettre la possibilite de l'erreur dont vous etiez victime.
--Une erreur!
Elle inclina la tete par un geste qui en disait plus que toutes les
paroles et qui signifiait clairement que cette erreur etait si grande
qu'on ne pouvait trouver de mots pour la qualifier?
--Votre buvard....
--Oui, c'est ce buvard, mais non mon buvard, comme vous dites, qui m'a
fait comprendre comment vous aviez pu etre trompe.
Il la regarda en face longuement, profondement; elle ne detourna pas les
yeux.
--Je pourrais, dit-elle, vous montrer, vous prouver combien grossiere
a ete votre erreur; mais ce n'est pas pour cela que je suis venue, et,
comme mes moments sont comptes, je n'ai pas de temps a perdre dans une
demonstration maintenant superflue. C'est de vous que je veux vous
entretenir, c'est pour vous que je suis ici, pour vous seul, non pour
moi, pour votre bonheur, et aussi pour le bonheur des autres.
Disant cela, elle attira une chaise et s'assit en face de lui.
Permettez-moi de vous dire que je ne comprends pas le but d'une visite
qui doit vous etre penible et qui pour moi est horriblement douloureuse.
--Tout a l'heure vous saurez ce qui m'a inspire cette demarche, qui ne
peut pas etre aussi cruelle pour vous qu'elle l'est pour moi; car enfin
je rentre dans une maison d'ou j'ai ete chassee et je parais devant un
homme qui m'a inflige l'injure la plus atroce qui puisse atteindre une
femme. Je ne me suis point cependant laissee arreter par le souvenir de
cette injure, et je suis venue. Que vous vous mariiez, je vous repete,
c'est bien. Je ne serais pas sincere si je vous disais qu'en apprenant
cette nouve
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