lle de la bouche de gens qui me la jetaient pour m'en
accabler, je n'ai pas souffert: ma surprise a ete profonde, mon
saisissement a ete terrible. J'ai eprouve un moment de defaillance, et
je crois que j'ai perdu un peu la tete; mais cela est sans importance,
il ne doit pas etre question de moi, et, si je vous parle de ce
saisissement et de ce trouble, c'est pour que vous voyiez comment j'ai
ete entrainee dans cette demarche. Si, apres m'avoir appris votre
mariage, on m'avait dit que vous preniez pour femme votre jeune cousine,
j'aurais continue de penser qu'il n'y avait dans ce mariage rien que de
naturel. En effet, cette jeune fille est charmante, elle est douee de
toutes les qualites qui peuvent rendre un homme tel que vous pleinement
heureux, et de plus elle vous aime. J'ai vu cette jeune fille, je l'ai
entretenue, je l'ai fait parler, je l'ai observee pres de vous, j'ai vu
les regards qu'elle attachait sur vous, j'ai entendu sa voix lorsqu'elle
vous parlait, j'ai fait expres l'experience de la jalousie que je
pouvais lui inspirer, et je vous repete, je vous affirme qu'elle vous
aime. Soyez certain que lorsqu'une femme aime un homme d'un amour tel
que celui que j'ai eprouve pour vous, elle ne se trompe pas sur la
nature des sentiments des autres femmes qui aiment sincerement cet homme
ou qui veulent s'en faire aimer: on sent une rivale et l'on ne se trompe
pas. Therese etait ma rivale, elle vous aimait, elle vous aime, et,
telle que je la connais, elle vous aimera toujours. J'ai donc cru que
vous l'epousiez et que vous realisiez ainsi le voeu de votre pere
mourant. Mais je me trompais. Ce n'est point la jeune fille qui vous
aime que vous prenez pour femme, ce n'est point Therese Chamberlain, la
douce, l'honnete, la pure, la charmante petite Therese, qui offrirait sa
vie pour vous donner une journee de bonheur; c'est Carmelita, c'est la
niece du prince Mazzazoli. Ce nom, quand je l'ai appris, m'a dit ce que
je devais faire.
--Ce mariage est arrete, et rien, absolument rien, ne changera ma
resolution; je ne suis jamais revenu sur ma parole donnee.
--Je n'ai jamais eu la pretention de changer votre resolution; je veux
l'eclairer, voila tout. Je veux accomplir ce que je crois un devoir, et
je l'accomplirai.
Il se leva.
En meme temps, elle se leva aussitot et se placa devant lui.
Puis, s'approchant au point qu'il sentit son souffle:
--Emploierez-vous la violence pour me forcer a quitter cette maison?
Vous me
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