Le prince se dirigea vers lui, et apres quelques paroles l'emmena avec
lui.
Deux minutes apres, ils entrerent dans la loge de la marquise de
Lucilliere, et le prince en sortit aussitot, laissant le baron seul avec
la marquise.
VI
Madame de Lucilliere avait indique de la main au baron Lazarus un
fauteuil dans le fond de la loge, et elle-meme, reculant autant que
possible celui qu'elle occupait, avait tourne le dos a la scene.
--Vous avez desire me voir? demanda le baron, qui paraissait assez mal a
l'aise.
--Oui, monsieur, et j'ai cru remarquer que vous n'accueilliez pas tres
favorablement la demande de mon ambassadeur.
--Mais, madame....
--Oh! je comprends tres bien que vous ayez eu une certaine repugnance a
revenir dans cette loge qui doit vous rappeler de mauvais souvenirs.
Le baron prit l'air d'un homme qui cherche vainement a comprendre ou a
se rappeler ce dont on lui parle.
Bons ou mauvais, il etait evident que les souvenirs auxquels on faisait
allusion etaient sortis de sa memoire.
--Cette loge? dit-il enfin (car il ne pouvait pas rester bouche ouverte
sans rien dire), cette loge?
--N'est-ce pas dans cette loge, a cette place meme, peut-etre sur ce
fauteuil, continua la marquise, que vous avez eu avec M. de Lucilliere
un entretien dont je faisais le sujet.
--Un entretien, avec M. le marquis, dont vous faisiez le sujet? Mon
Dieu! c'est possible, cependant je ne me rappelle pas du tout de quoi il
etait question.
--D'une certaine lettre anonyme.
--Une lettre anonyme?
Et le baron Lazarus parut faire un appel desespere a sa memoire.
Mais ce fut en vain, il ne trouva rien a propos de cette lettre anonyme.
--Ne cherchez pas, dit madame de Lucilliere avec dedain; je vois que
vous ne trouveriez pas; je vais vous aider. Cette lettre anonyme parlait
d'une petite porte de la rue de Valois.
--Comment? vous savez....
--Le marquis m'a tout dit; il est inutile de paraitre ignorer ce que
vous savez parfaitement. De mon cote, je trouve inutile de vous laisser
croire plus longtemps que le pretexte mis en avant pour rompre nos
relations etait fonde; la vraie raison de cette rupture etait cette
lettre anonyme. Cela ne doit pas vous surprendre, et je presume que vous
le saviez deja; cependant j'ai tenu a vous le dire.
--Avez-vous pu supposer que je connaissais l'auteur de cette infamie?
--J'ai cru et je crois que l'auteur de cette infamie, comme vous dites,
etait vous.
--Madame
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