a.
Le premier creancier a qui le prince avait montre la lettre du colonel
etait son bijoutier, qu'il avait interet a menager. Le bijoutier avait
promis le secret, mais, en rentrant chez lui, il avait joyeusement
annonce a sa femme que la creance du prince Mazzazoli serait payee,
attendu que mademoiselle de Belmonte epousait le colonel Chamberlain.
A ce moment etait entree une des principales clientes de la maison,
la charmante comtesse d'Ardisson, amie et rivale de la marquise de
Lucilliere.
Naturellement, on lui avait conte cette grande nouvelle, qui, en
consequence de ses relations avec madame de Lucilliere, devait avoir un
certain interet pour elle.
C'etait un secret, un grand secret, que personne ne connaissait encore
a Paris; car le prince et sa famille venant de Suisse avec le colonel
Chamberlain, etaient arrives le matin meme.
Une fois en possession de ce secret, la comtesse d'Ardisson n'eut qu'un
desir, l'apprendre elle-meme a madame de Lucilliere, pour voir comment
celle-ci recevrait cette nouvelle.
Precisement c'etait jour d'Opera de la marquise de Lucilliere,
l'occasion etait vraiment heureuse.
A huit heures, la comtesse d'Ardisson s'etait installee dans sa loge,
qui faisait face a celle de madame de Lucilliere.
La marquise n'etait point encore arrivee et sa loge etait restee vide
jusqu'a la fin du premier acte de Robert, qu'on donnait ce soir-la.
La toile etait a peine tombee, que la comtesse d'Ardisson entrait dans
la loge de madame de Lucilliere pour lui faire une visite d'amitie.
La marquise etait gaie, souriante, de belle humeur comme a l'ordinaire,
et prenait plaisir pour le moment a plaisanter le prince Seratoff, qui
l'avait accompagnee.
Elle accueillit la comtesse d'Ardisson avec des demonstrations de joie
affectueuse, comme une amie dont on a ete trop longtemps separee.
Apres quelques minutes, le prince Seratoff sortit de la loge, les
laissant en tete a tete.
--Vous savez la nouvelle? demanda aussitot la comtesse.
--Quelle nouvelle
--La grande, l'incroyable, la merveilleuse nouvelle: le colonel
Chamberlain, qui avait disparu si brusquement, il y a quelques mois est
retrouve.
--Etait-il donc perdu? demanda la marquise de Lucilliere en palissant
legerement.
--Je ne sais s'il l'etait pour vous,--la comtesse appuya sur le
mot.--mais il l'etait pour le monde parisien; heureusement le voici
revenu, et je crois que son retour va faire un joli tapage.
Elle attendit un
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