est realise: il parait qu'ils s'adorent. En tous cas, le
certain est qu'ils s'epousent.
Il fallait bien dire quelque chose.
--Et pour quand ce mariage? demanda madame de Lucilliere d'une voix
qu'elle tacha d'affermir.
--Ah! cela je n'en sais rien, car ce n'est ni le colonel ni le prince
Mazzazoli qui m'ont donne cette nouvelle; je la tiens d'une personne
tierce, en qui j'ai toute confiance et qui a vu, de ses yeux vu, ce qui
s'appelle vu, la lettre par laquelle le colonel Chamberlain demande au
prince Mazzazoli la main de sa niece, mademoiselle Carmelita Belmonte.
Le mariage n'est donc plus douteux, seulement j'ignore la date; il est
meme probable que cette date vous la connaitrez avant moi. Vous avez
avec le colonel Chamberlain des relations beaucoup plus intimes que
personne a Paris, et sa premiere visite sera assurement pour vous.
Mais, grace a mon indiscretion, vous ne serez pas surprise. Vous ne me
remerciez pas?
--Au contraire; mais j'attendais que vous eussiez fini, afin de vous
remercier une bonne fois pour toutes.
Puis, apres quelques paroles insignifiantes, madame d'Ardisson regagna
vivement sa loge, et, se placant dans l'ombre de maniere a se cacher
autant que possible, elle braqua sa lorgnette sur madame de Lucilliere.
Elle s'etait observee pendant cet entretien, dont toutes les paroles
portaient; maintenant, sans doute qu'elle se croyait libre elle allait
se livrer....
Et de fait, elle se tenait la tete appuyee sur sa main, immobile, le
visage contracte, les sourcils rapproches, les levres serrees, les
narines dilatees.
Elle aimait donc toujours le colonel?
Et complaisamment, en souriant, madame d'Ardisson prit plaisir a
rappeler les coups qu'elle venait de porter: "Carmelita allait en Suisse
pour rejoindre le colonel; ils s'adorent, ils se marient." Et cette
allusion aux relations intimes qui existaient entre le colonel et la
marquise?... Vraiment tout cela avait ete bien file.
A ce moment, la porte de la loge de la marquise s'ouvrit de nouveau, et
le prince Seratoff parut; mais la marquise ne le laissa pas s'asseoir.
Elle lui fit un signe, et il se pencha vers elle; puis, apres avoir
dirige ses regards vers les fauteuils d'orchestre du cote gauche, il
sortit.
Abandonnant la loge de la marquise, madame d'Ardisson braqua sa
lorgnette vers la porte de l'orchestre, ou bientot se montra le prince
Seratoff.
Au quatrieme fauteuil, etait assis le baron Lazarus, qui venait
d'arriver.
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