Il serait
parti et il aurait emmene son valet de chambre avec lui.
De ce que celui-ci restait au Glion avec mission d'observer ce qui s'y
passait pour en avertir son maitre, on devait conclure que le colonel
pouvait revenir.
Ce retour dependait donc des lettres d'Horace.
En consequence, il fallait que ces lettres fussent telles que le
colonel, ebranle dans son indecision et atteint dans sa conscience, fut
oblige de revenir, qu'il le voulut ou ne le voulut pas.
Pour obtenir ce resultat, deux moyens se presentaient.
Acheter Horace.
Ou bien le tromper.
Le prince, quoiqu'il n'eut qu'un parfait mepris pour la conscience
humaine, n'osa pas proposer d'argent a Horace pour le mettre dans ses
interets; ce negre, qui etait un animal primitif, serait capable de
refuser l'argent et d'avertir son maitre.
Il aima mieux recourir a l'habilete, ce qui d'ailleurs etait plus
economique.
Le lendemain, Carmelita garda le lit et l'on annonca qu'elle etait
malade; on dut meme aller chercher un medecin, et, comme le prince etait
sans domestiques, il pria Horace de lui rendre le service d'aller a
Montreux.
Horace ne se serait jamais permis d'interroger le medecin; mais, lorsque
celui-ci sortit de la chambre de Carmelita, il entendit sans ecouter une
partie de la conversation qui s'engagea entre le prince et le medecin
dans le vestibule.
--Eh bien! demanda le prince, comment trouvez-vous notre malade? Elle me
parait bien serieusement prise.
--Ses plaintes denotent en effet un etat tres douloureux.
--La tete surtout, c'est de la tete qu'elle souffre; la nuit a ete des
plus mauvaises.
--Je n'ai rien remarque de particulier de ce cote; pas de fievre; et
cependant une grande agitation.
Quelques questions et leurs reponses echapperent a Horace, mais bientot
il entendit le prince qui disait:
--Ne craignez-vous pas une fievre cerebrale?
La reponse n'arriva pas jusqu'a lui, au moins telle qu'elle fut formulee
par le medecin, mais le prince voulut bien la lui faire connaitre.
On craignait une fievre cerebrale, et le medecin etait tres inquiet.
Horace se montra emu, et le prince fut certain que cette emotion allait
se communiquer au colonel.
Il n'y avait qu'a attendre en entretenant cette emotion.
Le temps s'ecoulait, et la maladie de Carmelita prit un caractere de
plus en plus inquietant.
Le prince paraissait accable, et, toutes les fois qu'il parlait de sa
niece a Horace, c'etait avec des tremblements
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