entement a cette promenade je ne veux pas que
ma niece vous gate vos derniers jours passes au Glion et arrive ainsi a
abreger votre sejour, ce qu'elle ferait assurement.
La discussion continua; mais, comme la premiere fois, le prince
finit par se rendre aux raisons du colonel ou plutot par ceder a ses
instances.
La promenade du lendemain eut lieu.
Puis apres celle-la ils en firent une troisieme, apres cette troisieme,
une quatrieme, une cinquieme, et il devint de regle que chaque jour ils
sortaient tous deux pour aller faire une excursion dans la montagne
tantot avant le dejeuner, tantot apres.
Il n'y avait plus de discussion a engager, une convention tacite s'etait
etablie a ce sujet entre le prince et le colonel, et s'ils parlaient de
ces promenades, c'etait au retour et non au depart.
Jamais le prince ne proposa de les accompagner; les ascensions, ainsi
qu'il l'avait dit, etaient impossibles pour lui.
Lorsqu'ils rentraient maintenant le soir a l'hotel revenant de leur
excursion, ils ne se suivaient point, marchant l'un derriere l'autre,
dans l'etroit sentier; elle s'appuyait sur le bras du colonel, et, la
tete legerement inclinee vers lui, serree contre lui, elle semblait
ecouter avec plaisir ou meme avec bonheur ce qu'il lui disait. Elle-meme
parlait peu, mais souvent elle relevait la tete, et, sans avoir souci
des pierres ou des trous de la route, elle restait les yeux fixes sur
lui, comme si elle etait suspendue a ses levres.
Il avait plaisir a l'emmener avec lui dans ses promenades, elle etait
une distraction; elle l'empechait de retourner par l'esprit a Paris et
de penser a celle qui l'avait trompe. Si malgre tout un souvenir lui
revenait et s'imposait a lui, il n'en etait plus obsede pendant toute la
journee, sans pouvoir le chasser de devant ses yeux et l'arracher de son
coeur; elle lui adressait la parole, elle le regardait, elle lui tendait
la main pour lui demander son appui, et le souvenir s'envolait.
Et c'etait a elle qu'il pensait maintenant plus souvent, non pas que
de parti pris il allat la chercher, mais l'impression immediate la lui
imposait. A vivre du matin au soir ensemble, une sorte d'accoutumance
materielle s'etait etablie, et, lorsqu'il s'eloignait d'elle un moment,
il la voyait encore, comme si son image etait empreinte dans ses yeux;
de meme qu'il entendait sa voix, comme si quelques-unes de ses paroles
lui etaient repetees par un echo interieur longtemps apres qu'il les
avai
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