avec de bons chevaux on pouvait faire
le voyage dans la journee sans fatigue.
--Avez-vous lu le _Capitaine Fracasse_, mademoiselle? demanda-t-il a
Anie.
--Oui.
--Eh bien, vous retrouverez dans ma gentilhommiere plus d'un point de
ressemblance avec celle du baron de Sigognac, quand ce ne serait que les
deux tours rondes avec leurs toits en eteignoirs. A la verite ce n'est
pas tout a fait le chateau de la Misere, si curieusement decrit par
Theophile Gautier, mais il n'y a que la misere qui manque; pour le
reste, vous vous reconnaitrez: tres conservateurs, les d'Arjuzanx, car
il n'y a pas eu grand'chose de change chez nous depuis Louis XIII. Et
puis, vous verrez mes vaches.
--Ah! vous avez des vaches! Combien vous donnent-elles de lait en
moyenne? interrompit madame Barincq qui, a force d'entendre parler de
lait, de beurre, de veaux, de vaches, de porcs, d'herbe, de mais, de
betteraves, s'imaginait avoir acquis des connaissances speciales sur la
matiere.
Le baron se mit a rire:
--C'est de vaches de courses qu'il s'agit, non de vaches laitieres.
--A Ourteau, continua Barincq, mes vaches nous donnent une moyenne de
1,500 litres.
--Vous etes sur une terre riche, je suis sur une terre pauvre, aux
confins de la Lande rase ou la plaine de sable rougeatre ne produit
guere que des bruyeres, des ajoncs, des genets ou des fougeres; mais, si
pauvres laitieres qu'elles soient, elles ont cependant quelques merites,
et si vous voulez aller dimanche a Habas, qui est a une courte distance
d'Ourteau, vous verrez ce qu'elles valent.
--Il y a des courses? dit Barincq.
--Oui, et les vaches proviennent de mon troupeau.
--Certainement nous irons, dit madame Barincq avec empressement; nous
n'avons jamais vu de courses landaises, mais nous en avons assez entendu
parler par mon mari pour avoir la curiosite de les connaitre.
L'entretien se prolongea ainsi, allant d'un sujet a un autre, jusqu'a
l'heure du diner, et deja le soleil s'abaissait sur la mer, decoupant en
une silhouette sombre les rochers de l'Atalaye, deja la plage avait
perdu son mouvement et son brouhaha, quand le baron se decida a se
lever.
A peine s'etait-il eloigne avec le capitaine que madame Barincq
rapprocha vivement sa chaise de celle de sa fille:
--Tu sais que c'est un mari? dit-elle.
--Qui? demanda Anie.
--Qui veux-tu que ce soit, si ce n'est le baron d'Arjuzanx.
--Te voila bien avec ton idee fixe de mariage, dit Barincq.
--Oh! maman,
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