ion.
A la fin, madame Barincq se facha.
--Quand je pense qu'a son age ma fille n'a pas vu la mer, et que depuis
que nous sommes ici on ne trouve pas quelques jours de liberte pour lui
faire ce plaisir, je suis outree.
--Est-ce ma faute? Anie, je te fais juge.
Et Anie rendit son jugement en faveur de son pere:
--Puisque j'ai attendu jusqu'a cet age avance, quelques semaines de plus
ou de moins sont maintenant insignifiantes.
--Mais c'est un voyage d'une heure et demie a peine.
Il fut decide qu'en attendant la saison on partirait le dimanche pour
revenir le lundi: pendant quelques heures les travaux pourraient, sans
doute, se passer de l'oeil du maitre; et pour empecher de nouvelles
remises madame Barincq declara a son mari que, s'il ne pouvait pas
venir, elle conduirait seule sa fille a Biarritz.
--Tu ne ferais pas cela!
--Parce que?
--Parce que tu ne voudrais pas me priver du plaisir de jouir du plaisir
d'Anie: s'associer a la joie de ceux qu'on aime, n'est-ce pas le
meilleur de la vie?
--Si tu tiens tant a jouir de la joie d'Anie, que ne te hates-tu de la
lui donner?
--Dimanche, ou plutot samedi.
En effet, le samedi, par une belle apres-midi douce et vaporeuse, ils
arrivaient a Biarritz, et Anie au bras de son pere descendait la pelouse
plantee de tamaris qui aboutit a la grande plage; puis, apres un temps
d'arret pour se reconnaitre, ils allaient, tous les trois, s'asseoir sur
la greve que la maree baissante commencait a decouvrir.
C'etait l'heure du bain; entre les cabines et la mer il y avait un
continuel va-et-vient de femmes et d'enfants, en costumes multicolores,
au milieu des curieux qui les passaient en revue, et offraient
eux-memes, par leurs physionomies exotiques, leurs toilettes elegantes
ou negligees, tapageuses ou ridicules, un spectacle aussi interessant
que celui auquel ils assistaient;--tout cela formant la cohue, le
tohu-bohu, le grouillement, le tapage d'une foire que coupait a
intervalles regulierement rythmes l'ecroulement de la vague sur le
sable.
Ils etaient installes depuis quelques minutes a peine, quand deux jeunes
gens passerent devant eux, en promenant sur la confusion des toilettes
claires et des ombrelles un regard distrait; l'un, de taille bien prise,
beau garcon, a la tournure militaire; l'autre, grand, aux epaules
larges, portant sur un torse developpe une petite tete fine qui
contrastait avec sa puissante musculature et le faisait ressembler a un
ath
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