t la rendaient toute
glorieuse:
--Crois-tu qu'ils vont etre etonnes? disait-elle a Anie quand lui venait
l'idee d'un nouveau cadeau.
Quel triomphe en recevant les reponses a ses envois! et quelle fierte,
quand on lui ecrivait qu'avant de manger son gigot, on ne savait
vraiment pas ce que c'etait que de l'agneau; par la, cette propriete qui
produisait ces agneaux et donnait ces saumons lui devenait plus chere.
Son consentement obtenu, les travaux avaient commence partout a la fois:
dans les vignes, que les charrues tirees par quatre forts boeufs du
Limousin defrichaient; dans les ecuries qu'on transformait en etables;
enfin dans la prairie, ou les macons, les charpentiers, les couvreurs,
construisaient la laiterie et la porcherie.
Bien que la vigne de ce pays n'ait jamais donne que d'assez mauvais vin,
c'est elle qui, dans le coeur du paysan, passe la premiere: avoir une
vigne est l'ambition de ceux qui possedent quelque argent; travailler
chez un proprietaire et boire son vin, celle des tacherons qui n'ont que
leur pain quotidien. Quand on vit commencer les defrichements, ce fut un
etonnement et une douleur: sans doute ces vignes ne rapportaient plus
rien, mais ne pouvaient-elles pas guerir un jour ou l'autre, par hasard,
par miracle? Il n'y avait qu'a attendre.
Et l'on s'etait dit que le frere aine n'avait pas tort quand il accusait
son cadet d'etre un detraque. Ne fallait-il pas avoir la cervelle malade
pour s'imaginer qu'on peut faire du beurre avec du lait sortant de la
mamelle de la vache? si cela n'etait pas de la folie, qu'etait-ce donc?
Or, les folies coutent cher en agriculture, tout le monde sait cela.
Aussi tout le monde etait-il convaincu qu'il ne se passerait pas
beaucoup d'annees avant que le domaine ne fut mis en vente.
Et alors?
Dame, alors chacun pourrait en avoir un morceau, et, dans les terres
regenerees par la culture, les vignes qu'on replanterait feraient
merveille.
II
Pour le pere, occupe du matin au soir a la surveillance de ses travaux,
defrichements, batisse, montage des machines; pour la mere, affairee par
ses envois et sa correspondance; pour la fille, tout a ses etudes de
peinture, le temps avait passe vite, la fin d'avril, mai, juin, sans
qu'ils eussent bien conscience des jours ecoules.
Quelquefois, cependant, le pere revenait a l'engagement, pris par lui au
moment de leur arrivee, de conduire Anie a Biarritz, mais c'etait
toujours pour en retarder l'execut
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