q cents
gredins battaient des mains et criaient: "Tue! Tue!" quand il ne
s'agissait pas d'un mousquetaire! Mordioux! vous ne verrez pas
cela vous autres.
-- Vous tenez rigueur au roi, cher monsieur d'Artagnan, et vous le
connaissez a peine.
-- Moi? Ecoute, Raoul: jour par jour, heure par heure, prends bien
note de mes paroles, je te predis ce qu'il fera. Le cardinal mort,
il pleurera; bien: c'est ce qu'il fera de moins niais, surtout
s'il n'en pense pas une larme.
-- Ensuite?
-- Ensuite, il se fera faire une pension par M. Fouquet et s'en
ira composer des vers a Fontainebleau pour des Mancini quelconques
a qui la reine arrachera les yeux. Elle est espagnole, vois-tu, la
reine, et elle a pour belle-mere Mme Anne d'Autriche. Je connais
cela, moi, les Espagnoles de la maison d'Autriche.
-- Ensuite?
-- Ensuite, apres avoir fait arracher les galons d'argent de ses
Suisses parce que la broderie coute trop cher, il mettra les
mousquetaires a pied, parce que l'avoine et le foin du cheval
coutent cinq sols par jour.
-- Oh! ne dites pas cela.
-- Que m'importe! je ne suis plus mousquetaire, n'est-ce pas?
Qu'on soit a cheval, a pied, qu'on porte une lardoire, une broche,
une epee ou rien, que m'importe?
-- Cher monsieur d'Artagnan, je vous en supplie, ne me dites plus
de mal du roi... Je suis presque a son service, et mon pere m'en
voudrait beaucoup d'avoir entendu, meme de votre bouche, des
paroles offensantes pour Sa Majeste.
-- Ton pere?... Eh! c'est un chevalier de toute cause vereuse.
Pardieu! oui, ton pere est un brave, un Cesar, c'est vrai; mais un
homme sans coup d'oeil.
-- Allons, bon! chevalier, dit Raoul en riant, voila que vous
allez dire du mal de mon pere, de celui que vous appeliez le grand
Athos; vous etes en veine mechante aujourd'hui, et la richesse
vous rend aigre, comme les autres la pauvrete.
-- Tu as, pardieu, raison; je suis un belitre, et je radote; je
suis un malheureux vieilli, une corde a fourrage effilee, une
cuirasse percee, une botte sans semelle, un eperon sans molette;
mais fais-moi un plaisir, dis moi une seule chose.
-- Quelle chose, cher monsieur d'Artagnan?
-- Dis-moi ceci: "Mazarin etait un croquant."
-- Il est peut-etre mort.
-- Raison de plus; je dis etait; si je n'esperais pas qu'il fut
mort, je te prierais de dire: "Mazarin est un croquant." Dis,
voyons, dis, pour l'amour de moi.
-- Allons, je le veux bien.
-- Dis!
-- Mazarin etait un croquant
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