s'ecria Pellisson.
-- Qu'avez-vous a dire contre elle? demanda Fouquet.
-- Rien, helas! c'est ce qui me desespere. Rien, absolument
rien... Que ne puis je vous dire, au contraire, assez de mal pour
vous empecher de monter chez elle!
Mais deja Fouquet avait donne l'ordre d'arreter; le carrosse etait
immobile.
-- M'empecher! dit Fouquet; nulle puissance au monde ne
m'empecherait, vois-tu, de dire un compliment a Mme du Plessis-
Belliere; d'ailleurs, qui sait si nous n'aurons pas besoin d'elle!
Montez-vous avec moi?
-- Non, monseigneur, non.
-- Mais je ne veux pas que vous m'attendiez, Pellisson, repliqua
Fouquet avec une courtoisie sincere.
-- Raison de plus, monseigneur; sachant que vous me faites
attendre, vous resterez moins longtemps la-haut... Prenez garde!
vous voyez un carrosse dans la cour; elle a quelqu'un chez elle!
Fouquet se pencha vers le marchepied du carrosse.
-- Encore un mot, s'ecria Pellisson: n'allez chez cette dame qu'en
revenant de la Conciergerie, par grace!
-- Eh! cinq minutes, Pellisson, repliqua Fouquet en descendant au
perron meme de l'hotel.
Pellisson demeura au fond du carrosse, le sourcil fronce.
Fouquet monta chez la marquise, dit son nom au valet, ce qui
excita un empressement et des respects qui temoignaient de
l'habitude que la maitresse de la maison avait prise de faire
respecter et aimer ce nom chez elle.
-- Monsieur le surintendant! s'ecria la marquise en s'avancant
fort pale au devant de Fouquet. Quel honneur! quel imprevu! dit-
elle. Puis tout bas:
-- Prenez garde! ajouta la marquise, Marguerite Vanel est chez
moi.
-- Madame, repondit Fouquet trouble, je venais pour affaires... Un
seul mot pressant.
Et il entra dans le salon.
Mme Vanel s'etait levee plus pale, plus livide que l'Envie elle-
meme.
Fouquet lui adressa vainement un salut des plus charmants, des
plus pacifiques; elle n'y repondit que par un coup d'oeil
terrible, lance sur la marquise et sur Fouquet. Ce regard acere
d'une femme jalouse est un stylet qui trouve le defaut de toutes
les cuirasses; Marguerite Vanel plongea du coup dans le coeur des
deux confidents. Elle fit une reverence a son amie, une plus
profonde a Fouquet, et prit conge, en pretextant un grand nombre
de visites a faire avant que la marquise, interdite, ni Fouquet,
saisi d'inquietude, eussent songe a la retenir. A peine fut-elle
partie, que Fouquet, reste seul avec la marquise, se mit a ses
genoux sans dire un
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