z m'excuser...
Monseigneur, il y a une demi-heure que vous etes ici... Oh! ne me
regardez pas ainsi tous deux d'un air de reproche... madame, je
vous prie, qui est cette dame qui est sortie de chez vous a
l'entree de Monseigneur?
-- Mme Vanel, dit Fouquet.
-- La! s'ecria Pellisson, j'en etais sur!
-- Eh bien! quoi?
-- Eh bien! elle est montee, toute pale, dans son carrosse.
-- Que m'importe! dit Fouquet.
-- Oui, mais ce qui vous importe, c'est ce qu'elle a dit a son
cocher.
-- Quoi donc, mon Dieu? s'ecria la marquise.
-- "Chez M. Colbert!" dit Pellisson d'une voix rauque.
-- Grand Dieu! partez! partez, monseigneur! repondit la marquise
en poussant Fouquet hors du salon, tandis que Pellisson
l'entrainait par la main.
-- En verite, dit le surintendant, suis-je un enfant a qui l'on
fasse peur d'une ombre?
-- Vous etes un geant, dit la marquise, qu'une vipere cherche a
mordre au talon.
Pellisson continua d'entrainer Fouquet jusqu'au carrosse.
-- Au palais, ventre a terre! cria Pellisson au cocher.
Les chevaux partirent comme l'eclair; nul obstacle ne ralentit
leur marche un seul instant. Seulement, a l'arcade Saint-Jean,
lorsqu'ils allaient deboucher sur la place de Greve, une longue
file de cavaliers, barrant le passage etroit, arreta le carrosse
du surintendant. Nul moyen de forcer cette barriere; il fallut
attendre que les archers du guet a cheval, car c'etaient eux,
fussent passes, avec le chariot massif qu'ils escortaient et qui
remontait rapidement vers la place Baudoyer.
Fouquet et Pellisson ne prirent garde a cet evenement que pour
deplorer la minute de retard qu'ils eurent a subir. Ils entrerent
chez le concierge du palais cinq minutes apres.
Cet officier se promenait encore dans la premiere cour. Au nom de
Fouquet, prononce a son oreille par Pellisson, le gouverneur
s'approcha du carrosse avec empressement, et, le chapeau a la
main, multiplia les reverences.
-- Quel honneur pour moi, monseigneur! dit-il.
-- Un mot, monsieur le gouverneur. Voulez-vous prendre la peine
d'entrer dans mon carrosse?
L'officier vint s'asseoir en face de Fouquet dans la lourde
voiture.
-- Monsieur, dit Fouquet, j'ai un service a vous demander.
-- Parlez, monseigneur.
-- Service compromettant pour vous, monsieur, mais qui vous assure
a jamais ma protection et mon amitie.
-- Fallut-il me jeter au feu pour vous, monseigneur, je le ferais.
-- Bien, dit Fouquet; ce que je vous demande
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