retournant, le feu est-il ici? etes-
vous fous ou enrages, mes maitres?
Les deux hommes le regarderent d'un air etonne.
-- Eh quoi! demanderent-ils a d'Artagnan, n'est-ce pas chose
convenue?
-- Chose convenue que vous brulerez ma maison? vocifere d'Artagnan
en arrachant le tison des mains de l'incendiaire et le lui portant
au visage.
Le second veut porter secours a son camarade; mais Raoul le
saisit, l'enleve et le jette par la fenetre, tandis que d'Artagnan
pousse son compagnon par les degres. Raoul, le premier libre,
arrache les lambris qu'il jette tout fumants par la chambre.
D'un coup d'oeil, d'Artagnan voit qu'il n'y a plus rien a craindre
pour l'incendie et court a la fenetre.
Le desordre est a son comble. On crie a la fois: -- Au feu! au
meurtre! a la hart! au bucher! vive Colbert et vive le roi!
Le groupe qui arrache les patients aux mains des archers s'est
rapproche de la maison, qui semble le but vers lequel on les
entraine. Menneville est a la tete du groupe criant plus haut que
personne: -- Au feu! au feu! vive Colbert!
D'Artagnan commence a comprendre. On veut bruler les condamnes, et
sa maison est le bucher qu'on leur prepare.
-- Halte-la! cria-t-il l'epee a la main et un pied sur la fenetre.
Menneville, que voulez-vous?
-- Monsieur d'Artagnan, s'ecrie celui-ci, passage, passage!
-- Au feu! au feu, les voleurs! vive Colbert! crie la foule.
Ces cris exaspererent d'Artagnan.
-- Mordioux! dit-il, bruler ces pauvres diables qui ne sont
condamnes qu'a etre pendus, c'est infame!
Cependant, devant la porte, la masse des curieux, refoulee contre
les murailles, est plus epaisse et ferme la voie.
Menneville et ses hommes, qui trainent les patients, ne sont plus
qu'a dix pas de la porte.
Menneville fait un dernier effort.
-- Passage! passage! crie-t-il le pistolet au poing.
-- Brulons! brulons! repete la foule. Le feu est a l'Image-de-
Notre-Dame. Brulons les voleurs! brulons-les tous deux dans
l'Image-de-Notre-Dame.
Cette fois, il n'y a pas de doute, c'est bien a la maison de
d'Artagnan qu'on en veut.
D'Artagnan se rappelle l'ancien cri, toujours si efficacement
pousse par lui.
-- A moi, mousquetaires!... dit-il d'une voix de geant, d'une de
ces voix qui dominent le canon, la mer, la tempete; a moi,
mousquetaires!...
Et, se suspendant par le bras au balcon, il se laisse tomber au
milieu de la foule, qui commence a s'ecarter de cette maison d'ou
il pleut des homme
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