trous de serrures;
mais je ne l'habite pas.
-- Et vous louez cinq cents livres ce grenier?
-- Au feroce cabaretier qui le sous-loue lui-meme... Je disais
donc quinze cents livres.
-- L'interet naturel de l'argent, dit Raoul, au denier cinq.
-- Juste. Il me reste le corps de logis du fond: magasins,
logements et caves inondees chaque hiver, deux cents livres, et le
jardin, qui est tres beau, tres bien plante, tres enfoui sous les
murs et sous l'ombre du portail de Saint Gervais et Saint-Protais,
treize cents livres.
-- Treize cents livres! mais c'est royal.
-- Voici l'histoire. Je soupconne fort un chanoine quelconque de
la paroisse (ces chanoines sont des Cresus), je le soupconne donc
d'avoir loue ce jardin pour y prendre ses ebats. Le locataire a
donne pour nom M. Godard... C'est un faux nom ou un vrai nom; s'il
est vrai, c'est un chanoine; s'il est faux, c'est quelque inconnu;
pourquoi le connaitrais-je? Il paie toujours d'avance. Aussi
j'avais cette idee tout a l'heure, quand je t'ai rencontre,
d'acheter, place Baudoyer, une maison dont les derrieres se
joindraient a mon jardin, et feraient une magnifique propriete.
Tes dragons m'ont distrait de mon idee. Tiens, prenons la rue de
la Vannerie: nous allons droit chez maitre Planchet.
D'Artagnan pressa le pas et amena en effet Raoul chez Planchet,
dans une chambre que l'epicier avait cedee a son ancien maitre.
Planchet etait sorti, mais le diner etait servi. Il y avait chez
cet epicier un reste de la regularite, de la ponctualite
militaire.
D'Artagnan remit Raoul sur le chapitre de son avenir.
-- Ton pere te tient severement? dit-il.
-- Justement, monsieur le chevalier.
-- Oh! je sais qu'Athos est juste, mais serre, peut-etre?
-- Une main royale, monsieur d'Artagnan.
-- Ne te gene pas, garcon, si jamais tu as besoin de quelques
pistoles, le vieux mousquetaire est la.
-- Cher monsieur d'Artagnan...
-- Tu joues bien un peu?
-- Jamais.
-- Heureux en femmes, alors?... Tu rougis... Oh! petit Aramis, va!
Mon cher, cela coute encore plus cher que le jeu. Il est vrai
qu'on se bat quand on a perdu, c'est une compensation. Bah! le
petit pleurard de roi fait payer l'amende aux gens qui degainent.
Quel regne, mon pauvre Raoul, quel regne! Quand on pense que de
mon temps on assiegeait les mousquetaires dans les maisons, comme
Hector et Priam dans la ville de Troie; et alors les femmes
pleuraient, et alors les murailles riaient, et alors cin
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