ccupes et celle de la jeunesse par consequent)
m'a fait differer jusqu'a ce jour d'accomplir cette tache; et, coupable
peut-etre envers moi-meme, j'ai laisse publier sur mon compte un assez
grand nombre de biographies pleines d'erreurs, dans la louange comme dans
le blame." Ce sont, a dire vrai, ces erreurs de detail que George Sand
s'est surtout complu a redresser en racontant les annees de sa jeunesse,
voire meme les origines de sa maison, avec une singuliere prolixite. Sur
les quatre gros volumes de l'_Histoire de ma Vie_, le premier est consacre
presque entierement a nous decrire "l'Histoire d'une famille de Fontenoy a
Marengo." Elle remonte a Fontenoy pour rappeler que Maurice de Saxe fut
son bisaieul. Quelque democrate qu'elle soit devenue, elle tire vanite
d'etre par le sang arriere-petite-fille de l'illustre marechal, de meme
qu'elle est par l'esprit de la lignee de Jean-Jacques; puis elle formule
ainsi son etat civil: "Je suis nee l'annee du couronnement de Napoleon,
l'an XII de la Republique francaise (1804). Mon nom n'est pas Marie-Aurore
de Saxe, marquise de Dudevant, comme plusieurs de mes biographes l'ont
decouvert, mais Amantine-Lucile-Aurore Dupin."
Aussi bien, en se defendant de la manie aristocratique, n'est-elle pas
indifferente et veut-elle nous interesser a tous les souvenirs
genealogiques de sa famille. Elle s'etend longuement sur le marechal de
Saxe et sur cette noblesse de race qu'elle ramenera theoriquement a sa
juste valeur dans le _Piccinino_. Sa grand'mere, Aurore Dupin de Francueil,
avait vu Jean-Jacques une seule fois, mais en des conditions qu'elle
n'eut garde d'oublier. Voici comment elle relatait l'anecdote dans les
papiers dont George Sand herita: "Il vivait deja sauvage et retire,
atteint de cette misanthropie qui fut trop cruellement raillee par ses
amis paresseux ou frivoles. Depuis mon mariage, je ne cessais de
tourmenter M. de Francueil pour qu'il me le fit voir; et ce n'etait pas
bien aise. Il y alla plusieurs fois sans pouvoir etre recu. Enfin, un jour,
il le trouva jetant du pain sur sa fenetre a des moineaux. Sa tristesse
etait si grande qu'il lui dit en les voyant s'envoler: "Les voila repus.
Savez-vous ce qu'ils vont faire? Ils s'en vont au plus haut des toits pour
dire du mal de moi et que mon pain ne vaut rien." En digne aieule de
George Sand, madame Dupin de Francueil avait le culte de Jean-Jacques.
Lorsqu'il accepta de diner chez elle, sans doute pour faire honneur a son
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