1789, qui
s'etait tant oppose aux fureurs de la multitude, qui avait tant verse de
larmes sur ses exces, et qui fut reelu par un dernier souvenir de 89, et
comme un etre bon et inoffensif pour tous les partis. Il manquait a cette
etrange reunion le cynique et sanguinaire Marat. Cet homme etrange avait,
par l'audace de ses ecrits, quelque chose de surprenant, meme pour des
gens qui venaient d'etre temoins des journees de septembre. Le capucin
Chabot, qui dominait aux Jacobins par sa verve, et y cherchait les
triomphes qui lui etaient refuses dans l'assemblee legislative, fut oblige
de faire l'apologie de Marat; et, comme c'etait chez les jacobins que
toute chose se deliberait d'avance, son election proposee chez eux fut
bientot consommee dans l'assemblee electorale. Marat, un autre
journaliste, Freron et quelques individus obscurs, completerent cette
deputation fameuse qui, renfermant des commercans, un boucher, un
comedien, un graveur, un peintre, un avocat, trois ou quatre ecrivains, un
prince dechu, representait bien la confusion et la variete des existences
qui s'agitaient dans l'immense capitale de la France.
Les deputes arrivaient successivement a Paris, et a mesure que leur nombre
devenait plus grand, et que les journees qui avaient produit une terreur
si profonde s'eloignaient, on commencait a se rassurer, et a se prononcer
contre les desordres de la capitale. La crainte de l'ennemi etait diminuee
par la contenance de Dumouriez dans l'Argonne: la haine des _aristocrates_
se changeait en pitie, depuis l'horrible sacrifice qu'on en avait fait a
Paris et a Versailles. Ces forfaits, qui avaient trouve tant
d'approbateurs egares ou tant de censeurs timides, ces forfaits, devenus
plus hideux par le vol qui venait de se joindre au meurtre, excitaient la
reprobation generale. Les girondins indignes de tant de crimes, et
courrouces de l'oppression personnelle qu'ils avaient subie pendant un
mois entier, devenaient plus fermes et plus energiques. Brillans de talent
et de courage aux yeux de la France, invoquant la justice et l'humanite,
ils devaient avoir l'opinion publique pour eux, et deja ils en menacaient
hautement leurs adversaires.
Cependant, si les girondins etaient egalement prononces contre les exces
de Paris, ils n'eprouvaient et n'excitaient pas tous ces ressentimens
personnels qui enveniment les haines de parti. Brissot par exemple, en ne
cessant aux Jacobins de lutter d'eloquence avec Robespierre, lui avait
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