drait de Mayence.
Mais Kellermann, peu entreprenant, ne presuma pas assez de ses troupes,
qui paraissaient harassees, et se cantonna autour de Metz. Custine, de son
cote, voulant se rendre independant et faire des incursions brillantes,
n'avait aucune envie de se joindre a Kellermann et de se renfermer dans la
limite du Rhin. Il ne pensa donc jamais a venir a Coblentz. Ainsi fut
neglige ce beau plan, si bien saisi et developpe par le plus grand de nos
historiens militaires.[1]
[Note 1: Jomini.]
Custine, avec de l'esprit, etait hautain, emporte et inconsequent. Il
tendait surtout a se rendre independant de Biron et de tout autre general,
et il eut l'idee de conquerir autour de lui. Prendre Manheim, l'exposait a
violer la neutralite de l'electeur palatin, ce qui lui etait defendu par
le conseil executif; il songea donc a desemparer le Rhin pour s'avancer en
Allemagne. Francfort, place sur le Mein, lui sembla une proie digne
d'envie, et il resolut de s'y porter. Cependant cette ville libre,
commercante, toujours neutre dans les diverses guerres, et bien disposee
pour les Francais, ne meritait pas cette facheuse preference. N'etant
point defendue, il etait facile d'y entrer, mais difficile de s'y
maintenir, et par consequent inutile de l'occuper. Cette excursion ne
pouvait avoir qu'un but, celui de frapper des contributions, et il n'y
avait aucune justice a les imposer a un peuple habituellement neutre,
comptant tout au plus par ses voeux, et par ses voeux memes meritant la
bienveillance de la France, dont il approuvait les principes et souhaitait
les succes; Custine commit la faute d'y entrer. Ce fut le 27 octobre. Il
leva des contributions, indisposa les habitans, dont il fit des ennemis
pour les Francais, et s'exposa, en se jetant ainsi sur le Mein, a etre
coupe du Rhin, ou par les Prussiens, s'ils fussent remontes jusqu'a
Bingen, ou par l'electeur palatin, si, rompant la neutralite, il fut sorti
de Manheim.
La nouvelle de ces courses sur le territoire ennemi continua de causer une
grande joie a la France, qui etait tout etonnee de conquerir, quelques
jours apres avoir tant craint d'etre conquise elle-meme. Les Prussiens
alarmes jeterent un pont volant sur le Rhin, pour remonter le long de la
rive droite, et chasser les Francais. Heureusement pour Custine, ils
mirent douze jours a passer le fleuve. Le decouragement, les maladies, et
la separation des Autrichiens, avaient reduit cette armee a cinquante
mille hommes.
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