la nouvelle, et qui allait bientot disparaitre devant la
grossierete demagogique. Dumouriez assista a l'un de ces festins si
simples, eprouva d'abord quelque gene a l'aspect de ces anciens amis qu'il
avait chasses du ministere, de cette femme qui lui semblait trop severe,
et a laquelle il paraissait trop licencieux; mais il soutint cette
situation avec son esprit accoutume, et fut touche surtout de la
cordialite sincere de Roland. Apres la societe des girondins, celle des
artistes etait la seule qui eut survecu a la dispersion de l'ancienne
aristocratie. Presque tous les artistes avaient embrasse chaudement une
revolution qui les vengeait des dedains nobiliaires, et qui ne promettait
de faveur qu'au genie. Ils accueillirent Dumouriez a leur tour, et lui
donnerent une fete ou furent reunis tous les talens que renfermait la
capitale. Mais au milieu meme de la fete, une scene etrange vint
l'interrompre, et causer autant de degout que de surprise.
Marat, toujours prompt a devancer les mefiances revolutionnaires, n'etait
point satisfait du general. Denonciateur acharne de tous les hommes
entoures de la faveur publique, il avait toujours provoque, par ses
degoutantes invectives, les disgraces encourues par les chefs populaires.
Mirabeau, Bailly, Lafayette, Petion, les girondins, avaient ete accables
de ses outrages, lorsqu'ils jouissaient encore de toute leur popularite.
Depuis le 10 aout surtout, il s'etait livre a tous les desordres de son
esprit; et, quoique revoltant pour les hommes raisonnables et honnetes, et
etrange au moins pour les revolutionnaires emportes, il avait ete
encourage par un commencement de succes. Aussi ne manquait-il pas de se
regarder en quelque sorte comme un homme public, essentiel au nouvel ordre
de choses. Il passait une partie de sa vie a recueillir des bruits, a les
repandre dans sa feuille, et a parcourir les bureaux pour y redresser les
torts des administrateurs envers le peuple. Faisant au public la
confidence de sa vie, il disait un jour dans l'un de ses numeros[1], que
ses occupations etaient accablantes; que sur les vingt-quatre heures de la
journee, il n'en donnait que deux au sommeil, et une seule a la table et
aux soins domestiques; qu'en outre des heures consacrees a ses devoirs de
depute, il en employait regulierement six a recueillir et a faire valoir
les plaintes d'une foule de malheureux et d'opprimes; qu'il consacrait les
heures restantes a lire une multitude de lettres et a y repo
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