penible, car ils ne se quittaient jamais sans
douleur. Le roi lisait encore pendant plusieurs heures. Montesquieu,
Buffon, l'historien Hume, l'Imitation de Jesus-Christ, quelques classiques
latins et italiens formaient ses lectures habituelles. Il avait acheve
environ deux cent cinquante volumes a sa sortie du Temple.
Telle etait la vie de ce monarque pendant sa triste captivite. Rendu a la
vie privee, il etait rendu a toutes ses vertus, et devenait digne de
l'estime de tous les coeurs honnetes. Ses ennemis eux-memes, en le voyant
si simple, si calme, si pur, n'auraient pu se defendre d'une emotion
involontaire, et auraient, en faveur des vertus de l'homme, pardonne aux
torts du prince.
La commune, extremement mefiante, employait les plus genantes precautions.
Des officiers municipaux ne perdaient jamais de vue aucune des personnes
de la famille royale, et, au moment seul du coucher, ils consentaient a en
etre separes par une porte fermee. Alors ils placaient un lit a l'entree
de chaque appartement, de maniere a en fermer la sortie, et y passaient la
nuit. Santerre, avec son etat-major, faisait chaque jour une visite
generale dans toute la tour, et en rendait un compte regulier. Les
officiers municipaux de garde formaient une espece de conseil permanent,
qui, place dans une salle de la tour, etait charge de donner des ordres,
et de repondre a toutes les demandes des prisonniers. D'abord on avait
laisse dans la prison, encre, papier et plumes; mais bientot on enleva
tous ces objets, ainsi que tous les instrumens tranchans, comme couteaux,
rasoirs, ciseaux, canifs, et on fit les recherches les plus minutieuses et
les plus offensantes pour decouvrir ceux de ces instrumens qui auraient pu
etre caches. Ce fut une grande peine pour les princesses, qui des lors
furent privees de leurs ouvrages de couture, et ne purent plus reparer
leurs vetemens, deja dans un assez mauvais etat, n'ayant pas ete
renouveles depuis la translation au Temple. Dans le sac du chateau,
presque tout ce qui tenait a l'usage personnel de la famille royale avait
ete detruit. L'epouse de l'ambassadeur d'Angleterre envoya du linge a la
reine, et la commune, sur la demande du roi, en fit faire pour toute la
famille. Quant aux habits et vetemens, ni le roi ni la reine ne songerent
a en demander; ils en auraient sans doute obtenu s'ils en avaient exprime
le desir. Quant a l'argent, on leur remit en septembre une somme de 2,000
francs pour leurs menues depens
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