e, a cette extremite des opinions humaines, a laquelle Robespierre
n'etait parvenu qu'a force de haine. Neuf au milieu de la revolution,
dans laquelle il entrait a peine, etranger encore a toutes les luttes, a
tous les torts, a tous les crimes, range dans le parti des montagnards par
ses opinions violentes, charmant les jacobins par l'audace de son esprit,
captivant la convention par ses talens, il n'avait cependant pas encore
acquis une renommee populaire. Ses idees toujours bien accueillies, mais
pas toujours comprises, n'avaient tout leur effet que lorsqu'elles etaient
devenues, par des plagiats de Robespierre, plus communes, plus claires et
plus declamatoires.
Il parla apres Morisson, le plus zele des defenseurs de l'inviolabilite,
et, sans employer les personnalites contre ses adversaires, parce qu'il
n'avait pas encore eu le temps de contracter des haines personnelles, il
ne parut s'indigner d'abord que des petitesses de l'assemblee, et des
arguties de la discussion[1]. "Quoi! dit-il, vous, le comite,
ses adversaires, vous cherchez peniblement des formes pour juger le
ci-devant roi! vous vous efforcez d'en faire un citoyen, de l'elever a
cette qualite, pour trouver des lois qui lui soient applicables! Et moi,
au contraire, je dis que le roi n'est pas un citoyen; qu'il doit etre juge
en ennemi, que nous avons moins a le juger qu'a le combattre, et que
n'etant pour rien dans le contrat qui unit les Francais, les formes de la
procedure ne sont point dans la loi civile, mais dans la loi _du droit des
gens_..."
[Note 1. Seance du 13 novembre.]
Ainsi donc Saint-Just ne voit pas dans le proces une question de justice,
mais une question de guerre. "Juger un roi comme un citoyen? Ce mot
dit-il, etonnera la posterite froide. Juger, c'est appliquer la loi; une
loi est un rapport de justice: quel rapport de justice y a-t-il donc entre
l'humanite et les rois?
"Regner seulement est un attentat, une usurpation que rien ne peut
absoudre, qu'un peuple est coupable de souffrir, et contre laquelle chaque
homme a un droit tout personnel. On ne peut regner innocemment, la folie
en est trop grande. Il faut traiter cette usurpation comme les rois
eux-memes traitent celle de leur pretendue autorite. Ne fit-on pas le
proces a la memoire de Cromwell, pour avoir usurpe l'autorite de Charles
Ier? Et certes, l'un n'etait pas plus usurpateur que l'autre; car
lorsqu'un peuple est assez lache pour se laisser dominer par des tyrans,
la do
|