sur l'un de ses juges. Lepelletier-Saint-Fargeau avait, comme beaucoup
d'hommes de son rang, vote la mort, pour faire oublier sa naissance et sa
fortune. Il avait excite plus d'indignation chez les royalistes, a cause
meme de la classe a laquelle il appartenait. Le 20 au soir, chez un
restaurateur du Palais-Royal, on le montra au garde-du-corps Paris, tandis
qu'il se mettait a table. Le jeune homme, revetu d'une grande houppelande,
se presente et lui dit: "C'est toi, scelerat de Lepelletier, qui as vote
la mort du roi?--Oui, repond celui-ci; mais je ne suis pas un scelerat,
j'ai vote selon ma conscience.--Tiens, reprend Paris, voila pour ta
recompense." Et il lui enfonce son sabre dans le flanc: Lepelletier tombe,
et Paris disparait sans qu'on ait le temps de s'emparer de sa personne.
La nouvelle de cet evenement se repand aussitot de toutes parts. On le
denonce a la convention, aux jacobins, a la commune; et cette nouvelle
donne plus de consistance aux bruits d'une conspiration des royalistes,
tendant a massacrer le cote gauche et a delivrer le roi au pied de
l'echafaud. Les jacobins se declarent en permanence, et envoient de
nouveaux commissaires a toutes les autorites, a toutes les sections, pour
reveiller le zele et mettre la population entiere sous les armes.
Le lendemain 21 janvier, cinq heures avaient sonne au Temple. Le roi
s'eveille, appelle Clery, lui demande l'heure, et s'habille avec beaucoup
de calme. Il s'applaudit d'avoir retrouve ses forces dans le sommeil.
Clery allume du feu, transporte une commode dont il fait un autel. M.
Edgeworth se revet des ornemens sacerdotaux, et commence a celebrer la
messe; Clery la sert, et le roi l'entend a genoux avec le plus grand
recueillement. Il recoit ensuite la communion des mains de M. Edgeworth,
et apres la messe, se releve plein de force, et attendant avec calme le
moment d'aller a l'echafaud. Il demande des ciseaux pour couper ses
cheveux lui-meme, et se soustraire a cette humiliante operation faite par
la main des bourreaux; mais la commune les lui refuse par defiance.
Dans ce moment, le tambour battait dans la capitale. Tous ceux qui
faisaient partie des sections armees se rendaient a leur compagnie avec
une complete soumission; ceux qu'aucune obligation n'appelait a figurer
dans cette terrible journee, se cachaient chez eux. Les portes, les
fenetres etaient fermees, et chacun attendait chez soi la fin de ce triste
evenement. On disait que quatre ou cinq ce
|