ans lesquels on allait penetrer, ayant aussi un ancien ordre social
a renverser, des abus a detruire, pourraient realiser des profits immenses
sur le clerge, la noblesse, la royaute, et ils devaient payer a la France
le secours qu'on leur fournissait.
C'est ainsi que raisonnait l'ardente imagination de Cambon, et ces idees
envahissaient toutes les tetes. L'ancienne politique des cabinets
calculait autrefois sur cent et deux cent mille soldats, payes avec
quelques taxes ou quelques revenus de domaine; maintenant c'est tout une
masse d'hommes qui se levait elle-meme, et se disait: _Je composerai les
armees_; qui regardait a la somme generale des richesses, et se disait
encore: _Cette somme est suffisante, et, partagee entre, tous, elle
suffira au besoin de tous_. Sans doute ce n'etait pas la nation entiere
qui tenait ce langage; mais c'etait la portion la plus exaltee qui formait
ces resolutions, et qui allait par tous les moyens les imposer a la masse
de la nation.
Avant de montrer la distribution des ressources imaginees par les
revolutionnaires francais, il faut se reporter sur nos frontieres, et y
voir comment s'etait achevee la derniere campagne. Son debut avait ete
brillant, mais un premier succes, mal soutenu, n'avait servi qu'a etendre
notre ligne d'operations, et a provoquer de la part de l'ennemi un effort
plus grand et plus decisif. Ainsi notre defense etait devenue plus
difficile, parce qu'elle etait plus etendue; l'ennemi battu devait reagir
avec energie, et son effort redouble allait concourir avec une
desorganisation presque generale de nos armees. Ajoutez que le nombre des
coalises etait double, car les Anglais sur nos cotes, les Espagnols sur
les Pyrenees, les Hollandais vers le nord des Pays-Bas, nous menacaient de
nouvelles attaques.
Dumouriez s'etait arrete sur les bords de la Meuse, et n'avait pu pousser
jusqu'au Rhin, par des raisons qui n'ont pas ete assez appreciees, parce
qu'on n'a pu s'expliquer les lenteurs qui avaient suivi la rapidite de ses
premieres operations. Arrive a Liege, la desorganisation de son armee
etait complete. Les soldats etaient presque nus; faute de chaussure, ils
s'enveloppaient les pieds avec du foin; ils n'avaient, avec quelque
abondance, que la viande et le pain, grace a un marche que Dumouriez avait
maintenu d'autorite. Mais l'argent manquait pour leur fournir le pret, et
ils pillaient les paysans, ou se battaient avec eux pour leur faire
recevoir des assignats. Les
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