ande et
la diete germanique ne s'expliquant pas encore, mais laissant apercevoir
une malveillance profonde; l'Espagne observant une neutralite prudente
sous l'influence du sage comte d'Aranda; et enfin l'Angleterre laissant la
France se dechirer elle-meme, le continent s'epuiser, les colonies se
devaster, et abandonnant ainsi le soin de sa vengeance aux desordres
inevitables des revolutions.
La nouvelle impetuosite revolutionnaire allait deconcerter toutes ces
neutralites calculees. Jusqu'ici Pitt avait raisonne sa conduite d'une
maniere assez juste. Dans sa patrie, une demi-revolution qui n'avait
regenere qu'a moitie l'etat social, avait laisse subsister une foule
d'institutions feodales, qui devaient etre un objet d'attachement pour
l'aristocratie et pour la cour, et un objet de reclamations pour
l'opposition. Pitt avait un double but: premierement, de moderer la haine
aristocratique, de contenir l'esprit de reforme, et de conserver ainsi son
ministere en dominant les deux partis; secondement, d'accabler la France
sous ses propres desastres et sous la haine de tous les gouvernemens
europeens; il voulait en un mot rendre sa patrie maitresse du monde, et
etre maitre de sa patrie; c'etait la le double objet qu'il poursuivait,
avec l'egoisme et la force d'esprit d'un grand homme d'etat. La neutralite
servait a merveille ses projets. En empechant la guerre, il contenait la
haine aveugle de sa cour pour la liberte; en laissant se developper sans
obstacle tous les exces de la revolution francaise, il faisait tous les
jours de sanglantes reponses aux apologistes de cette revolution, reponses
qui ne prouvaient rien, mais qui produisaient un effet certain. Au celebre
Fox, l'homme le plus eloquent de l'opposition et de l'Angleterre, il
repondait en citant les crimes de la France reformee. Burke, declamateur
vehement, etait charge d'enumerer ces crimes, et s'acquittait de ce soin
avec une violence absurde; un jour meme il alla jusqu'a jeter de la
tribune un poignard qui, disait-il, etait fabrique par les propagandistes
jacobins. Tandis qu'a Paris on accusait Pitt de payer des troubles, a
Londres il accusait les revolutionnaires francais de repandre l'argent
pour exciter des revolutions, et nos emigres accreditaient encore ces
bruits en les repetant. Tandis que, par cette logique machiavelique, il
desenchantait les Anglais de la liberte francaise, il soulevait l'Europe
contre nous, et ses envoyes disposaient toutes les puissances
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