e Themistocle!
"Des peuples esclaves t'attendent pour les secourir: bientot tu les
delivreras. Quelle glorieuse mission!... Il faut cependant te defendre de
quelque exces de generosite envers tes ennemis. _Tu as reconduit le roi de
Prusse un peu trop a la maniere francaise_.... Mais, nous l'esperons,
l'Autriche paiera double.
"Tu iras a Bruxelles, Dumouriez ... je n'ai rien a te dire.... Cependant
si tu y trouvais une femme execrable qui, sous les murs de Lille, est
venue repaitre sa ferocite du spectacle des boulets rouges!... Mais cette
femme ne t'attend pas....
"A Bruxelles la liberte va renaitre sous tes pas ... citoyens, filles,
femmes, enfans, se presseront autour de toi; de quelle felicite tu vas
jouir, Dumouriez!... Ma femme ... est de Bruxelles, elle t'embrassera
aussi[1]."
[Note 1: Voyez la note 1 a la fin du volume.]
Danton sortit ensuite avec Dumouriez, dont il s'etait empare, et auquel il
faisait en quelque sorte les honneurs de la nouvelle republique. Danton
ayant montre a Paris une contenance aussi ferme que Dumouriez a
Sainte-Menehould, on les regardait l'un et l'autre comme les deux sauveurs
de la revolution, et on les applaudissait ensemble dans tous les
spectacles ou ils se montraient. Un certain instinct rapprochait ces deux
hommes, malgre la difference de leurs habitudes. C'etaient les corrompus
des deux regimes qui s'unissaient avec un meme genie, un meme gout pour
les plaisirs, mais avec une corruption differente. Danton avait celle du
peuple, et Dumouriez celle des cours; mais plus heureux que son collegue,
ce dernier n'avait servi que genereusement et les armes a la main, et
Danton avait eu le malheur de souiller un grand caractere par les
atrocites de septembre.
Ces salons si brillans, ou les hommes celebres jouissaient autrefois de la
gloire, ou, pendant tout le dernier siecle, on avait ecoute et applaudi
Voltaire, Diderot, d'Alembert, Rousseau, ces salons n'existaient plus. Il
restait la societe simple et choisie de madame Roland, ou se reunissaient
tous les girondins; le beau Barbaroux, le spirituel Louvet, le grave
Buzot, le brillant Guadet, l'entrainant Vergniaud, et ou regnaient encore
une langue pure, des entretiens pleins d'interet, et des moeurs elegantes
et polies. Les ministres s'y reunissaient deux fois la semaine, et on y
faisait un repas compose d'un seul service. Telle etait la nouvelle
societe republicaine, qui joignait aux graces de l'ancienne France le
serieux de
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