sse de
tonner contre les exactions de la commune, et il surprenait ceux qui ne
comprenaient pas qu'il poursuivit comme financier les desordres qu'il
aurait peut-etre excuses comme jacobin. Il se dechainait avec une plus
grande energie encore contre les fournisseurs, et les poursuivait avec
toute la fougue de son caractere. Chaque jour il denoncait de nouvelles
fraudes, en reclamait la repression, et tout le monde a cet egard etait
d'accord avec lui. Les hommes honnetes voulaient punir des fripons, les
jacobins voulaient persecuter des aristocrates, et les intrigans rendre
des places vacantes.
On eut donc l'idee de former un comite compose de quelques individus
charges de faire tous les achats pour le compte de la republique. On pensa
que ce comite, unique et responsable, epargnerait a l'etat les fraudes de
cette multitude de fournisseurs isoles, et qu'achetant seul pour toutes
les administrations, il ne ferait plus hausser les prix par la
concurrence, comme il arrivait lorsque chaque ministere, chaque armee
traitaient individuellement pour leurs besoins respectifs. Cette
institution fut etablie de l'avis de tous les ministres, et Cambon surtout
en etait le plus grand partisan, parce que cette forme nouvelle et simple
convenait a son esprit absolu. On signifia donc a Dumouriez qu'il n'aurait
plus aucun marche a passer, et on lui ordonna d'annuler ceux qu'il venait
de signer. On supprima en meme temps les caisses des regisseurs, et on
poussa la rigueur de l'execution jusqu'a faire des difficultes pour
acquitter, a la tresorerie nationale, un pret qu'un negociant belge avait
fait a l'armee sur un bon de Dumouriez.
Cette revolution dans l'administration des vivres, dont le motif etait
louable, concourait malheureusement avec des circonstances qui allaient en
rendre les effets desastreux. Pendant son ministere, Servan avait eu a
pourvoir aux premiers besoins des troupes hativement rassemblees dans la
Champagne, et c'etait beaucoup d'avoir suffi aux embarras du premier
moment. Mais, apres la campagne de l'Argonne, les approvisionnemens faits
avec tant de peine se trouvaient epuises; les volontaires, partis de chez
eux avec un seul habit, etaient presque nus, de sorte qu'il fallait
fournir un equipement complet a chacune des armees, et suffire a ce
renouvellement de tout le materiel, au milieu de l'hiver et malgre la
rapidite, de l'invasion en Belgique. Le successeur de Servan, Pache, etait
donc charge d'une tache immense,
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