ndre, a ecrire
ses observations sur les evenemens, a recevoir des denonciations, a
s'assurer de la veracite des denonciateurs, enfin a faire sa feuille, et a
veiller a l'impression d'un grand ouvrage. Depuis trois annees il n'avait
pas pris, disait-il, un quart d'heure de recreation; et on tremble en se
figurant ce que peut produire dans une revolution une intelligence aussi
desordonnee, servie par cette activite devorante.
[Note 1: _Journal de la Republique francaise;_ N deg. 93, mercredi 9 janvier
1793.]
Marat pretendait ne voir dans Dumouriez qu'un aristocrate de mauvaises
moeurs, dont il fallait se defier. Par surcroit de motifs, il apprit que
Dumouriez venait de sevir avec la plus grande rigueur contre deux
bataillons de volontaires qui avaient egorge des deserteurs emigres.
Sur-le-champ il se rend aux Jacobins, denonce le general a leur tribune,
et demande deux commissaires pour aller l'interroger sur sa conduite. On
lui adjoint aussitot les nommes Montaut et Bentabolle, et sur l'heure il
se met en marche avec eux. Dumouriez n'etait point a sa demeure. Marat
court aux divers spectacles, et enfin apprend que Dumouriez assistait a
une fete que lui donnaient les artistes chez mademoiselle Candeille, femme
celebre alors. Marat n'hesite pas a s'y rendre, malgre son degoutant
costume. Les equipages, les detachemens de la garde nationale qu'il trouve
a la porte du lieu ou se donnait la fete, la presence du commandant
Santerre, d'une foule de deputes, les apprets d'un festin, irritent son
humeur. Il s'avance hardiment et demande Dumouriez. Une espece de rumeur
s'eleve a son approche. Son nom prononce fait disparaitre une foule de
visages, qui, disait-il, fuyaient des regards accusateurs. Marchant droit
vers Dumouriez, il l'interpelle vivement, et lui demande compte des
traitemens exerces envers les deux bataillons. Le general le regarde, puis
lui dit avec une curiosite meprisante: "Ah! c'est vous qu'on appelle
Marat?" Il le considere encore des pieds a la tete, et lui tourne le dos,
sans lui adresser une parole. Cependant les jacobins qui accompagnaient
Marat paraissant plus doux et plus honnetes, Dumouriez leur donne quelques
explications, et les renvoie satisfaits. Marat, qui ne l'etait pas, pousse
de grands cris dans les antichambres, gourmande Santerre, qui fait,
dit-il, aupres du general le metier d'un laquais; declame contre les
gardes nationaux qui contribuaient a l'eclat de la fete, et se retire en
menacant de
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