pas le change, en les considerant d'emblee comme des intrigans et
des fripons publics tout prets a machiner. Je suis donc mille fois moins
expose a etre trompe sur le compte des fonctionnaires publics; et, tandis
que la funeste confiance que l'on a en eux les met a meme de tramer contre
la patrie avec autant d'audace que de securite, la defiance eternelle dont
le public les environnerait, d'apres mes principes, ne leur permettrait
pas de faire un pas sans trembler d'etre demasques et punis[1]."
[Note 1: _Journal de la republique francaise_, par Marat, l'Ami du Peuple,
N deg. 43, du lundi 12 novembre 1792.]
Cette bataille venait d'ouvrir la Belgique aux Francais; mais la
d'etranges difficultes se presentaient a Dumouriez, et deux tableaux
frappans vont s'offrir: sur le territoire conquis, la revolution francaise
agissant sur les revolutions voisines pour les hater ou se les assimiler;
et dans notre armee, la demagogie penetrant dans les administrations, et
les desorganisant pour les epurer.
Il y avait en Belgique plusieurs partis: le premier, celui de la
domination autrichienne, n'existait que dans les armees imperiales
chassees par Dumouriez; le second, compose de toute la nation, nobles,
pretres, magistrats, peuple, repoussait unanimement le joug etranger, et
voulait l'independance de la nation belge; mais celui-ci se sous-divisait
en deux autres: les pretres et privilegies voulaient conserver les anciens
etats, les anciennes institutions, les demarcations de classe et de
province, tout enfin, excepte la domination autrichienne, et ils avaient
pour eux une partie de la population, encore tres superstitieuse et tres
attachee au clerge; enfin les demagogues ou jacobins belges voulaient une
revolution complete et la souverainete du peuple. Ceux-ci demandaient le
niveau francais et l'egalite absolue. Ainsi chacun adoptait de la
revolution ce qui lui convenait; les privilegies n'y cherchaient que leur
ancien etat, les plebeiens voulaient la demagogie et le regne de la
multitude. Entre les divers partis, on concoit que Dumouriez, par ses
gouts, devait garder un milieu. Repoussant l'Autriche qu'il combattait
avec ses soldats, condamnant les pretentions exclusives des privilegies,
il ne voulait cependant pas transporter a Bruxelles les jacobins de Paris,
et y faire naitre des Chabot et des Marat. Son but etait donc, en
menageant l'ancienne organisation du pays, de reformer ce qu'elle avait de
trop feodal. La partie eclair
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