ent la liberte en vrais enfans des montagnes, et la
France comme des hommes qui parlent la meme langue, ont les memes moeurs,
et appartiennent au meme bassin. Il forma aussitot une assemblee de
Savoisiens, pour y faire deliberer sur une question qui ne pouvait pas
etre douteuse, cette de la reunion a la France.
Au meme instant, Anselme, renforce de six mille Marseillais, qu'il avait
demandes comme auxiliaires, s'etait approche du Var, torrent inegal, comme
tous ceux qui descendent des hautes montagnes, tour a tour immense ou
desseche, et ne pouvant pas meme recevoir un pont fixe. Anselme passa tres
hardiment le Var, et occupa Nice que le comte Saint-Andre venait
d'abandonner, et ou les magistrats l'avaient presse d'entrer pour arreter
les desordres de la populace, qui se livrait a d'affreux pillages. Les
troupes sardes se rejeterent vers les hautes vallees; Anselme les
poursuivit; mais il s'arreta devant un poste redoutable, celui de Saorgio,
dont il ne put jamais chasser les Piemontais. Pendant ce temps, l'escadre
de l'amiral Truguet, combinant ses mouvemens avec ceux du general Anselme,
avait obtenu la reddition de Villefranche, et s'etait portee devant la
petite principaute d'Oneille. Beaucoup de corsaires trouvaient
ordinairement un asile dans ce port, et par cette raison, il n'etait pas
inutile de le reduire. Mais, tandis qu'un canot francais s'avancait pour
parlementer, plusieurs hommes furent, en violation du droit des gens, tues
par une decharge generale. L'amiral, embossant alors ses vaisseaux devant
le port, l'ecrasa de ses feux, y debarqua ensuite quelques troupes, qui
saccagerent la ville, et firent un grand carnage des moines qui s'y
trouvaient en grand nombre, et qui etaient, dit-on, les instigateurs de ce
manque de foi. Telle est la rigueur des lois militaires, et la malheureuse
ville d'Oneille les subit sans aucune misericorde. Apres cette expedition,
l'escadre francaise retourna devant Nice, ou Anselme, separe par les crues
du Var du reste de son armee, se trouvait dangereusement compromis.
Cependant, en se gardant bien contre le poste de Saorgio, et en menageant
les habitans plus qu'il ne le faisait, sa position etait tenable, et il
pouvait conserver sa conquete.
Sur ces entrefaites, Montesquiou s'avancait de Chambery sur Geneve, et
allait se trouver en presence de la Suisse, tres diversement disposee pour
les Francais, et qui pretendait voir dans l'invasion de la Savoie un
danger pour sa neutralite.
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