Clerfayt, avec ses dix-huit mille Autrichiens, avait suivi
le mouvement general de nos troupes vers la Flandre, et se portait au
secours du duc Albert. Le corps des emigres avait ete licencie, et cette
brillante milice s'etait reunie au corps de Conde, ou avait passe a la
solde etrangere. Tandis que ces evenements se passaient a la frontiere du
Nord et du Rhin, nous remportions d'autres avantages sur la frontiere des
Alpes. Montesquiou, place a l'armee du Midi, envahissait la Savoie et
faisait occuper le comte de Nice par un de ses lieutenans. Ce general, qui
avait fait voir dans la constituante toutes les lumieres d'un homme
d'etat, et qui n'eut pas le temps de montrer les qualites d'un militaire,
dont on assure qu'il etait doue, avait ete mande a la barre de la
legislative pour rendre compte de sa conduite, accusee de trop de lenteur.
Il etait parvenu a convaincre ses accusateurs que ses retards tenaient au
defaut de moyens, et non au manque de zele, et il etait retourne aux
Alpes. Cependant il appartenait a la premiere generation revolutionnaire,
et se trouvait ainsi incompatible avec la nouvelle. Mande encore une fois,
il allait etre destitue, lorsqu'on apprit enfin son entree en Savoie. Sa
destitution fut alors suspendue, et on lui laissa continuer sa conquete.
D'apres le plan concu par Dumouriez, lorsqu'en qualite de ministre des
affaires etrangeres il regissait a la fois la diplomatie et la guerre, la
France devait pousser ses armees jusqu'a ses frontieres naturelles, le
Rhin et la haute chaine des Alpes. Pour cela, il fallait conquerir la
Belgique, la Savoie et Nice. La France avait ainsi l'avantage, en rentrant
dans les principes naturels de sa politique, de ne depouiller, que les
deux seuls ennemis qui lui fissent la guerre, la maison d'Autriche et la
cour de Turin. C'est de ce plan, manque en avril dans la Belgique, et
differe jusqu'ici dans la Savoie, que Montesquiou allait executer sa
partie. Il donna une division au general Anselme, pour passer le Var et se
porter sur Nice a un signal donne; il marcha lui-meme, avec la plus grande
partie de son armee, de Grenoble sur Chambery; il fit menacer les troupes
sardes par Saint-Genies; et s'avancant lui-meme du fort Barraux sur
Montmelian, il parvint a les diviser et a les rejeter dans les vallees.
Tandis que ses lieutenans les poursuivaient, il se porta sur Chambery, le
28 septembre, et y fit son entree triomphale, a la grande satisfaction des
habitans, qui aimai
|