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Telle etait donc la situation des girondins en presence de la faction
parisienne: ils avaient pour eux l'opinion generale, qui reprouvait les
exces; ils s'etaient empares d'une grande partie des deputes qui
arrivaient chaque jour a Paris; ils avaient tous les ministres, excepte
Danton, qui souvent dominait le conseil, mais ne se servait pas de sa
puissance contre eux; enfin ils montraient a leur tete le maire de Paris,
l'homme le plus respecte du moment. Mais a Paris, ils n'etaient pas chez
eux, ils se trouvaient au milieu de leurs ennemis, et ils avaient a
redouter la violence des classes inferieures, qui s'agitaient au-dessous
d'eux, et surtout la violence de l'avenir, qui allait croitre avec les
passions revolutionnaires.
Le premier reproche qu'on leur adressa fut de vouloir sacrifier Paris.
Deja on leur avait impute de vouloir se refugier dans les departemens et
au-dela de la Loire. Les torts de Paris a leur egard etant plus grands
depuis les 2 et 3 septembre, on leur supposa d'autant plus l'intention de
l'abandonner, on pretendit qu'ils avaient voulu reunir la convention
ailleurs. Peu a peu les soupcons, s'arrangeant, prirent une forme plus
reguliere. On leur reprochait de vouloir rompre l'unite nationale, et
composer des quatre-vingt-trois departements, quatre-vingt-trois etats,
tous egaux entre eux, et unis par un simple lien federatif. On ajoutait
qu'ils voulaient par-la detruire la suprematie de Paris, et s'assurer une
domination personnelle dans leurs departemens respectifs. C'est alors que
fut imaginee la calomnie du federalisme. Il est vrai que, lorsque la
France etait menacee par l'invasion des Prussiens, ils avaient songe, en
cas d'extremite, a se retrancher dans les departemens meridionaux; il est
encore vrai qu'en voyant les exces et la tyrannie de Paris, ils avaient
quelquefois repose leur pensee sur les departemens; mais de la a un projet
de regime federatif il y avait loin encore. Et d'ailleurs, entre un
gouvernement federatif et un gouvernement unique et central, toute la
difference consistant dans le plus ou moins d'energie des institutions
locales, le crime d'une telle idee etait bien vague, s'il existait. Les
girondins, n'y voyant au reste rien de coupable, ne s'en defendaient pas,
et beaucoup d'entre eux, indignes de l'absurdite avec laquelle on
poursuivait ce systeme, demandaient si, apres tout, la Nouvelle-Amerique,
la Hollande, la Suisse, n'etaient pas heureuses et libres sous un regime
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