le but de la revolution, et qui portait la
main sur toutes choses, par ardeur plus que par ambition personnelle. Mais
parmi ces hommes, il n'y avait encore ni un usurpateur, ni des conjures
d'accord entre eux; et il etait imprudent de donner a des adversaires,
deja plus forts que soi, l'avantage d'etre accuses injustement. Cependant
les girondins menageaient plus Danton, parce qu'il n'y avait rien de
personnel entre lui et eux, et ils meprisaient trop Marat pour l'attaquer
directement; mais ils se dechainaient impitoyablement contre Robespierre,
parce que le succes de ce qu'on appelait sa vertu et son eloquence les
irritait davantage: ils avaient pour lui le ressentiment qu'eprouve la
veritable superiorite contre la mediocrite orgueilleuse et trop vantee.
Cependant on essaya de s'entendre avant l'ouverture de la convention
nationale, et il y eut diverses reunions dans lesquelles on proposa de
s'expliquer franchement, et de terminer des disputes funestes. Danton s'y
pretait de tres bonne foi[1], parce qu'il n'y apportait aucun orgueil, et
qu'il souhaitait avant tout le succes de la revolution. Petion montra
beaucoup de froideur et de raison; mais Robespierre fut aigre comme un
homme blesse; les girondins furent fiers et severes comme des hommes
innocens, indignes, et qui croient avoir dans les mains leur vengeance
assuree. Barbaroux dit qu'il n'y avait aucune alliance possible _entre le
crime et la vertu_, et de part et d'autre on se retira plus eloigne d'une
reconciliation qu'avant de s'etre vu. Tous les jacobins se rangerent
autour de Robespierre, les girondins et la masse sage et moderee autour de
Petion. L'avis de celui-ci et des hommes senses etait de cesser toute
accusation, puisqu'il etait impossible de saisir les auteurs des massacres
de septembre et du vol du Garde-Meuble; de ne plus parler des triumvirs,
parce que leur ambition n'etait ni assez prouvee ni assez manifeste pour
etre punie; de mepriser une vingtaine de mauvais sujets introduits dans
l'assemblee par les elections de Paris; enfin de se hater de remplir le
but de la convention, en faisant une constitution-et en decidant du sort
de Louis XVI. Tel etait l'avis des hommes froids; mais d'autres moins
calmes firent, comme d'usage, des projets qui, ne pouvant etre encore
executes, avaient le danger d'avertir et d'irriter leurs adversaires. Ils
proposerent de casser la municipalite, de deplacer au besoin la
convention, de transporter son siege ailleurs qu'a
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