surance, un grand nombre d'ennemis
personnels, je les rappelle a la pudeur. Qu'ils s'epargnent les clameurs
furibondes contre un homme qui a servi la liberte, et eux-memes, plus
qu'ils ne pensent.
"On parle de triumvirat, de dictature, on en attribue le projet a la
deputation de Paris; eh bien! je dois a la justice de declarer que mes
collegues, et notamment Robespierre et Danton, s'y sont toujours opposes,
et que j'ai toujours eu a les combattre sur ce point. Moi le premier, et
le seul en France, entre tous les ecrivains politiques, j'ai songe a cette
mesure, comme au seul moyen d'ecraser les traitres et les conspirateurs.
C'est moi seul qu'il faut punir; mais avant de punir il faut entendre."
Ici quelques applaudissemens eclatent, mais peu nombreux. Marat reprend:
"Au milieu des machinations eternelles d'un roi perfide, d'une cour
abominable, et des faux patriotes qui, dans les deux assemblees, vendaient
la liberte publique, me reprocherez-vous d'avoir imagine le seul moyen de
salut, et d'avoir appele la vengeance sur les tetes criminelles? non, car
le peuple vous desavouerait. Il a senti qu'il ne lui restait plus que ce
moyen, et c'est en se faisant dictateur lui-meme qu'il s'est delivre des
traitres.
"J'ai fremi plus qu'un autre a l'idee de ces mouvemens terribles, et c'est
pour qu'ils ne fussent pas eternellement vains que j'aurais desire qu'ils
fussent diriges par une main juste et ferme! Si, a la prise de la
Bastille, on eut compris la necessite de cette mesure, cinq cents tetes
scelerates seraient tombees a ma voix; et la paix eut ete affermie des
cette epoque. Mais faute d'avoir employe cette energie aussi sage que
necessaire, cent mille patriotes ont ete egorges, et cent mille sont
menaces de l'etre! Au reste, la preuve que je ne voulais point faire de
cette espece de dictateur, de tribun, de triumvir (le nom n'y fait rien),
un tyran tel que la sottise pourrait l'imaginer, mais une victime devouee
a la patrie, dont nul ambitieux n'aurait envie le sort, c'est que je
voulais en meme temps que son autorite ne durat que quelques jours,
qu'elle fut bornee au pouvoir de condamner les traitres, et meme qu'on lui
attachat durant ce temps un boulet au pied, afin qu'il fut toujours sous
la main du peuple. Mes idees, quelque revoltantes qu'elles vous parussent,
ne tendaient qu'au bonheur public. Si vous n'etiez point vous-memes a la
hauteur de m'entendre, tant pis pour vous!
Le profond silence qui avait regne jusque
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