s. Si a cela on ajoute un pacte de famille
avec l'Espagne, alors puissante et bien organisee, on comprendra que
Pitt eut des inquietudes pour la puissance maritime de l'Angleterre. Il
est de principe, en effet, pour tout Anglais bien nourri de ses idees
nationales, que l'Angleterre doit dominer a Naples, a Lisbonne, a
Amsterdam, pour avoir pied sur le continent, et pour rompre la longue
ligne des cotes qui lui pourraient etre opposees. Ce principe etait
aussi enracine en 1796, que celui qui faisait considerer tout dommage
cause a la France comme un bien fait a l'Angleterre. En consequence,
Pitt, pour procurer un moment de repit a ses finances, aurait bien
consenti a une paix passagere, mais a condition que les Pays-Bas
seraient restitues a l'Autriche. Il songea donc a ouvrir une negociation
sur cette base. Il ne pouvait guere esperer que la France admit une
pareille condition, car les Pays-Bas etaient l'acquisition principale de
la revolution, et la constitution ne permettait meme pas au directoire
de traiter de leur alienation. Mais Pitt connaissait peu le continent;
il croyait sincerement la France ruinee, et il etait de bonne foi quand
il venait, tous les ans, annoncer l'epuisement et la chute de notre
republique. Il pensait que si jamais la France avait ete disposee a
la paix, c'etait dans le moment actuel, soit a cause de la chute des
mandats, soit a cause de la retraite des armees d'Allemagne. Du reste,
soit qu'il crut la condition admissible ou non, il avait une raison
majeure d'ouvrir une negociation; c'etait la necessite de satisfaire
l'opinion publique, qui demandait hautement la pais. Pour obtenir en
effet la levee de soixante mille hommes de milice, et de quinze mille
marins, il lui fallait prouver, par une demarche eclatante, qu'il avait
fait son possible pour traiter. Il avait encore un autre motif non
moins important; en prenant l'initiative, et en ouvrant a Paris une
negociation solennelle, il avait l'avantage d'y ramener la discussion de
tous les interets europeens, et d'empecher l'ouverture d'une negociation
particuliere avec l'Autriche. Cette derniere puissance en effet tenait
beaucoup moins a recouvrer les Pays-Bas, que l'Angleterre ne tenait a
les lui rendre. Les Pays-Bas etaient pour elle une province lointaine,
qui etait detachee du centre de son empire, exposee a de
continuelles invasions de la France, et profondement imbue des idees
revolutionnaires; une province que plusieurs fois elle avait song
|