elle se voyait exposee a perdre bientot cette ile. On voulait lui fermer
tous les ports d'Italie, et il suffisait d'une nouvelle victoire du
general Bonaparte pour decider son entiere expulsion de cette contree.
La guerre avec l'Espagne allait lui interdire la Mediterranee, et
menacer le Portugal. Tout le littoral de l'Ocean lui etait ferme
jusqu'au Texel. L'expedition que Hoche preparait en Bretagne l'effrayait
pour l'Irlande; ses finances etaient en peril, sa banque etait ebranlee,
et le peuple voulait la paix; l'opposition etait devenue plus forte par
les elections nouvelles. C'etaient la des raisons assez pressantes de
songer a la paix, et de profiter des derniers revers de la France pour
la lui faire accepter. Mais la famille royale et l'aristocratie avaient
une grande repugnance a traiter avec la France, parce que c'etait a
leurs yeux traiter avec la revolution. Pitt, beaucoup moins attache aux
principes aristocratiques, et uniquement preoccupe des interets de la
puissance anglaise, aurait bien voulu la paix, mais a une condition,
indispensable pour lui et inadmissible pour la republique, la
restitution des Pays-Bas a l'Autriche. Pitt, comme nous l'avons deja
remarque, etait tout Anglais par l'orgueil, l'ambition et les
prejuges. Le plus grand crime de la revolution etait moins a ses yeux
l'enfantement d'une republique colossale, que la reunion des Pays-Bas a
la France.
Les Pays-Bas etaient en effet une acquisition importante pour notre
patrie. Cette acquisition lui procurait d'abord la possession des
provinces les plus fertiles et les plus riches du continent, et surtout
des provinces manufacturieres; elle lui donnait l'embouchure des fleuves
les plus importans au commerce du Nord, l'Escaut, la Meuse et le Rhin;
une augmentation considerable de cotes, et par consequent de marine;
des ports d'une haute importance, celui d'Anvers surtout; enfin un
prolongement de notre frontiere maritime, dans la partie la plus
dangereuse pour la frontiere anglaise, vis-a-vis les rivages sans
defense d'Essex, de Suffolk, de Norfolk, d'Yorkshire. Outre cette
acquisition positive, les Pays-Bas avaient pour nous un autre avantage:
la Hollande tombait sous l'influence immediate de la France, des qu'elle
n'en etait plus separee par des provinces autrichiennes. Alors la ligne
francaise s'etendait, non pas seulement jusqu'a Anvers, mais jusqu'au
Texel, et les rivages de l'Angleterre etaient enveloppes par une
ceinture de rivages ennemi
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