d'heroisme et de genie etaient donc devenus inutiles. Bonaparte aurait
bien pu s'eviter l'obstacle d'Arcole, en jetant un pont sur l'Adige un
peu au-dessous de Ronco, c'est-a-dire a Albaredo, point ou l'Alpon est
reuni a l'Adige. Mais alors il debouchait en plaine, ce qu'il importait
d'eviter; et il n'etait pas en mesure de voler par la digue gauche au
secours de Verone[9]. Il avait donc eu raison de faire ce qu'il avait
fait; et, quoique le succes ne fut pas complet, d'importans resultats
etaient obtenus. Alvinzy avait quitte sa redoutable position de
Caldiero; il etait redescendu dans la plaine; il ne menacait plus
Verone; il avait perdu beaucoup de monde dans les marais. Les deux
digues etaient devenues le seul champ de bataille intermediaire entre
les deux armees, ce qui assurait l'avantage a la bravoure et l'enlevait
au nombre. Enfin les soldats francais, animes par la lutte, avaient
recouvre toute leur confiance.
[Footnote 9: Je rapporte ici une critique souvent adressee a Bonaparte
sur cette celebre bataille, et la reponse qu'il y a faite lui-meme dans
ses Memoires.]
Bonaparte, qui avait a songer a tous les perils a la fois, devait
s'occuper de sa gauche, laissee a la Corona et a Rivoli. Comme a chaque
instant elle pouvait etre culbutee, il voulait etre en mesure de voler
a son secours. Il pensa donc qu'il fallait se replier de Gombione et
d'Arcole, repasser l'Adige a Ronco, et bivouaquer en deca du fleuve,
pour etre a portee de secourir Vaubois, si, dans la nuit, on apprenait
sa defaite. Telle fut cette premiere journee du 25 brumaire (15
novembre).
La nuit se passa sans mauvaise nouvelle. On sut que Vaubois tenait
encore a Rivoli. Les exploits de Castiglione couvraient Bonaparte de ce
cote. Davidovich, qui commandait un corps dans l'affaire de Castiglione,
avait recu une telle impression de cet evenement, qu'il n'osait avancer
avant d'avoir des nouvelles certaines d'Alvinzy. Ainsi le prestige du
genie de Bonaparte etait la ou il n'etait pas lui-meme. La journee du
26 (16 novembre) commence; on se rencontre sur les deux digues. Les
Francais chargent a la baionnette, enfoncent les Autrichiens, en jettent
un grand nombre dans les marais, et font beaucoup de prisonniers. Ils
prennent des drapeaux et du canon. Bonaparte fait tirailler encore sur
la rive de l'Alpon, mais ne tente aucun effort decisif pour le passer.
La nuit arrivee, il replie encore ses colonnes, les ramene de dessus
les digues, et les rallie
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