sses. La colonne se replie, et les soldats
descendent a cote de la digue, pour se mettre a couvert du feu.
Bonaparte voyait de Ronco s'ebranler toute l'armee ennemie, qui, avertie
enfin du danger, se hatait de quitter Caldiero pour n'etre pas prise par
derriere a Villa-Nova. Il voyait avec douleur de grands resultats lui
echapper. Il avait bien envoye Guyeux avec une brigade, pour essayer de
passer l'Alpon au-dessous d'Arcole; mais il fallait plusieurs heures
pour l'execution de cette tentative; et cependant il etait de la
derniere importance de franchir Arcole sur-le-champ, afin d'arriver a
temps sur les derrieres d'Alvinzy, et d'obtenir un triomphe complet: le
sort de l'Italie en dependait. Il n'hesite pas, il s'elance au galop,
arrive pres du pont, se jette a bas de cheval, s'approche des soldats
qui s'etaient tapis sur le bord de la digue, leur demande s'ils
sont encore les vainqueurs de Lodi, les ranime par ses paroles, et,
saisissant un drapeau, leur crie: "Suivez votre general!" A sa voix un
certain nombre de soldats remontent sur la chaussee, et le suivent;
malheureusement le mouvement ne peut pas se communiquer a toute la
colonne dont le reste demeure derriere la digue. Bonaparte s'avance, le
drapeau a la main, au milieu d'une grele de balles et de mitraille. Tous
ses generaux l'entourent. Lannes, blesse deja de deux coups de feu dans
la journee, est atteint d'un troisieme. Le jeune Muiron, aide-de-camp
du general, veut le couvrir de son corps, et tombe mort a ses pieds.
Cependant la colonne est pres de franchir le pont, lorsqu'une derniere
decharge l'arrete, et la rejette en arriere. La queue abandonne la tete.
Alors les soldats restes aupres du general le saisissent, l'emportent au
milieu du feu et de la fumee, et veulent le faire remonter a cheval. Une
colonne autrichienne, qui debouche sur eux, les pousse en desordre dans
le marais. Bonaparte y tombe, et y enfonce jusqu'au milieu du
corps. Aussitot les soldats s'apercoivent de son danger: En avant!
s'ecrient-ils, pour sauver le general. Ils courent a la suite de Beliard
et Vignolles, pour le delivrer. On l'arrache du milieu de la fange, on
le remet a cheval, et il revient a Ronco.
Dans ce moment, Guyeux etait parvenu a passer au-dessous d'Arcole, et a
enlever le village par l'autre rive. Mais il etait trop tard. Alvinzy
avait deja fait filer ses parcs et ses bagages; il etait deploye dans
la plaine, et en mesure de prevenir les desseins de Bonaparte. Tant
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