s avoir perdu a la gauche le Tyrol et quatre mille
hommes, apres avoir livre une bataille malheureuse a Caldiero, pour
eloigner Alvinzy de Verone, et s'etre encore affaibli sans succes, toute
ressource semblait perdue. La gauche, qui n'etait plus que de huit
mille hommes, pouvait a chaque instant etre culbutee de la Corona et
de Rivoli, et alors Bonaparte se trouvait enveloppe a Verone. Les deux
divisions Massena et Augereau, qui formaient l'armee active opposee a
Alvinzy, etaient reduites, par deux batailles, a quatorze ou quinze
mille hommes. Que pouvaient quatorze ou quinze mille soldats contre
pres de quarante mille? L'artillerie, qui nous avait toujours servi a
contre-balancer la superiorite de l'ennemi, ne pouvait plus se mouvoir
au milieu des boues; il n'y avait donc aucun espoir de lutter avec
quelque chance de succes. L'armee etait dans la consternation.
Ces braves soldats, eprouves par tant de fatigues et de dangers,
commencaient a murmurer. Comme tous les soldats intelligens, ils etaient
sujets a de l'humeur, parce qu'ils etaient capables de juger. "Apres
avoir detruit, disaient-ils, deux armees dirigees contre nous, il nous a
fallu detruire encore celles qui etaient opposees aux troupes du Rhin.
A Beaulieu a succede Wurmser; a Wurmser succede Alvinzy: la lutte se
renouvelle chaque jour. Nous ne pouvons pas faire la tache de tous. Ce
n'est pas a nous a combattre Alvinzy, ce n'etait pas a nous a combattre
Wurmser. Si chacun avait fait sa tache comme nous, la guerre serait
finie. Encore, ajoutaient-ils, si on nous donnait des secours
proportionnes a nos perils! mais on nous abandonne au fond de l'Italie,
on nous laisse seuls aux prises avec deux armees innombrables. Et quand,
apres avoir verse notre sang dans des milliers de combats, nous serons
ramenes sur les Alpes, nous reviendrons sans honneur et sans gloire,
comme des fugitifs qui n'auraient pas fait leur devoir." C'etaient la
les discours des soldats dans leurs bivouacs. Bonaparte, qui partageait
leur humeur et leur mecontentement, ecrivait au directoire le meme jour
24 brumaire (14 novembre): "Tous nos officiers superieurs, tous nos
generaux d'elite sont hors de combat; l'armee d'Italie, reduite a une
poignee de monde, est epuisee. Les heros de Millesimo, de Lodi, de
Castiglione, de Bassano, sont morts pour leur patrie, ou sont a
l'hopital: il ne reste plus aux corps que leur reputation et leur
orgueil. Joubert, Lannes, Lamare, Victor, Murat, Charlot, Dupu
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