ve. Deja les soldats de Lusignan,
se voyant sur les derrieres de l'armee francaise, battaient des mains,
et la croyaient prise. Ainsi sur ce plateau, serre de front par un
demi-cercle d'infanterie, tourne a gauche par une forte colonne,
escalade a droite par le gros de l'armee autrichienne, et laboure par
les boulets qui portaient de la rive opposee de l'Adige sur ce plateau,
Bonaparte etait isole avec les seules divisions Joubert et Massena, au
milieu d'une nuee d'ennemis. Il etait avec seize mille hommes enveloppe
par quarante au moins.
Dans ce moment si redoutable, il n'est pas ebranle. Il conserve toute
la chaleur et toute la promptitude de l'inspiration. En voyant les
Autrichiens de Lusignan, il dit: _Ceux-la sont a nous_, et il les laisse
s'engager sans s'inquieter de leur mouvement. Les soldats, devinant leur
general, partagent sa confiance, et se disent aussi: _Ils sont a nous_.
Dans cet instant, Bonaparte ne s'occupe que de ce qui se passe devant
lui. Sa gauche est couverte par l'heroisme de la quatorzieme et de la
trente-deuxieme; sa droite est menacee a la fois par l'infanterie qui
a repris l'offensive, et par la colonne qui escalade le plateau. Il
ordonne sur-le-champ des mouvemens decisifs. Une batterie d'artillerie
legere, deux escadrons, sous deux braves officiers, Leclerc et Lasalle,
sont diriges sur le debouche envahi. Joubert, qui, avec l'extreme
droite, avait ce debouche a dos, fait volte-face avec un corps
d'infanterie legere. Tous chargent a la fois. L'artillerie mitraille
d'abord tout ce qui a debouche; la cavalerie et l'infanterie legere
chargent ensuite avec vigueur. Joubert a son cheval tue; il se releve
plus terrible, et s'elance sur l'ennemi un fusil a la main. Tout ce
qui a debouche, grenadiers, cavalerie, artillerie, tout est precipite
pele-mele dans l'escalier tournant d'Incanale. Un desordre horrible
s'y repand; quelques pieces, plongeant dans le defile, y augmentent
l'epouvante et la confusion. A chaque pas on tue, on fait des
prisonniers. Apres avoir delivre le plateau des assaillans qui l'avaient
escalade, Bonaparte reporte ses coups sur l'infanterie, qui etait rangee
en demi-cercle devant lui, et jette sur elle Joubert avec l'infanterie
legere, Lasalle avec deux cents hussards. A cette nouvelle attaque,
l'epouvante se repand dans cette infanterie, privee maintenant de tout
espoir de jonction; elle fuit en desordre. Alors toute notre ligne
demi-circulaire s'ebranle de la droite a la
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