re marcher l'autre sur Rome
et sur Naples, sous les ordres de Bonaparte. Ce projet desastreux
renouvelait la faute que les Francais ont toujours faite, de s'enfoncer
dans la peninsule avant d'etre maitres de la Haute-Italie. Ce n'est
pas au pape, au roi de Naples, qu'il faut disputer l'Italie, c'est aux
Autrichiens. Or, la ligne d'operation n'est pas alors sur le Tibre, mais
sur l'Adige. L'impatience de posseder nous porta toujours a Rome, a
Naples, et pendant que nous courions dans la peninsule, nous vimes
toujours la route se fermer sur nous. Il etait naturel a des
republicains de vouloir sevir contre un pape et un Bourbon; mais ils
commettaient la faute des anciens rois de France.
Bonaparte, dans son projet de se jeter dans la vallee du Danube, n'avait
vu que les Autrichiens; c'etait en lui l'exageration de la verite chez
un esprit juste, mais jeune; il ne pouvait donc, apres une pareille
conviction, consentir a marcher dans la peninsule; d'ailleurs, sentant
l'importance de l'unite de direction dans une conquete qui exigeait
autant de genie politique que de genie militaire, il ne pouvait
supporter l'idee de partager le commandement avec un vieux general,
brave, mais mediocre, et plein d'amour-propre. C'etait en lui l'egoisme
si legitime du genie, qui veut faire seul sa tache, parce qu'il se sent
seul capable de la remplir. Il se conduisit ici comme sur le champ de
bataille; il hasarda son avenir, et offrit sa demission dans une lettre
aussi respectueuse que hardie. Il sentait bien qu'on n'oserait pas
l'accepter; mais il est certain qu'il aimait encore mieux se demettre
qu'obeir, car il ne pouvait consentir a laisser perdre sa gloire et
l'armee, en executant un mauvais plan.
Opposant la raison la plus lumineuse aux erreurs du directeur Carnot,
il dit qu'il fallait toujours faire face aux Autrichiens, et s'occuper
d'eux seuls; qu'une simple division, s'echelonnant en arriere sur le Po
et sur Ancone, suffirait pour epouvanter la peninsule, et obliger Rome
et Naples a demander quartier. Il se disposa sur-le-champ a partir
de Milan, pour courir a l'Adige et faire le siege de Mantoue. Il se
proposait d'attendre la les nouveaux ordres du directoire, et la reponse
a ses depeches.
Il publia une nouvelle proclamation a ses soldats, qui devait frapper
vivement leur imagination, et qui etait faite aussi pour agir fortement
sur celle du pape et du roi de Naples.
"Soldats, vous vous etes precipites comme un torrent du haut
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