na son camp retranche
de Dusseldorf. Jourdan, en avancant pour reculer encore, avait execute
une tache ingrate, dans l'interet de l'armee du Rhin. Les gens mal
instruits pouvaient en effet regarder cette manoeuvre comme une
defaite; mais le devouement de ce brave general ne connaissait aucune
consideration, et il attendit, pour reprendre l'offensive, que l'armee
du Rhin eut profite de la diversion qu'il venait d'operer. Moreau, qui
avait montre une prudence, une fermete, un sang-froid rares, dans les
operations auxquelles il avait ete precedemment employe vers le Nord,
disposait tout pour remplir dignement sa tache. Il avait resolu de
passer le Rhin a Strasbourg. Cette grande place etait un excellent
point de depart. Il pouvait y reunir une grande quantite de bateaux, et
beaucoup de vivres et de troupes. Les iles boisees, qui coupent le cours
du Rhin sur ce point, en favorisaient le passage. Le fort de Kehl, place
sur la rive droite, etait facile a surprendre; une fois occupe, on
pouvait le reparer, et s'en servir pour proteger le pont qui serait jete
devant Strasbourg.
Tout etant dispose pour cet objet, et l'attention des ennemis etant
dirigee sur le Bas-Rhin, Moreau ordonna, le 26 prairial (14 juin), une
attaque generale sur le camp retranche de Manheim. Cette attaque avait
pour but de fixer sur Manheim l'attention du general Latour, qui
commandait les troupes du Haut-Rhin sous l'archiduc Charles, et de
resserrer les Autrichiens dans leur ligne. Cette attaque, dirigee avec
habilete et vigueur, reussit parfaitement. Immediatement apres, Moreau
dirigea une partie de ses troupes sur Strasbourg; on repandit le bruit
qu'elles allaient en Italie, pour en renforcer l'armee, et on leur fit
preparer des vivres a travers la Franche-Comte, afin d'accrediter cette
opinion. D'autres troupes partirent des environs de Huningue, pour
descendre a Strasbourg; et, quant a celles-ci, on pretendit qu'elles
allaient en garnison a Worms. Ces mouvemens furent concertes de maniere
que toutes les troupes fussent arrivees au point designe le 5 messidor
(23 juin). Ce jour-la, en effet, vingt-huit mille hommes se trouverent
reunis, soit dans le polygone de Strasbourg, soit dans les environs,
sous le commandement du general Desaix. Dix mille hommes devaient
essayer de passer au-dessous de Strasbourg, dans les environs de
Gabsheim; quinze mille hommes devaient passer de Strasbourg a Kehl. Le 5
au soir (23 juin), on ferma les portes de Strasbourg,
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