aient ensuite ces
mandats aux acquereurs de biens nationaux. Aussi les rentiers mouraient
de faim; les fonctionnaires donnaient leur demission; et, contre
l'usage, au lieu de demander des emplois, on les resignait. Les armees
d'Allemagne et d'Italie vivant chez l'ennemi, etaient a l'abri de la
misere commune; mais les armees de l'interieur etaient dans une detresse
affreuse. Hoche ne faisait vivre ses soldats que de denrees percues dans
les provinces de l'Ouest, et il etait oblige d'y maintenir le regime
militaire, pour avoir le droit de lever en nature les subsistances.
Quant aux officiers et a lui-meme, ils n'avaient pas de quoi se vetir.
Le service des etapes etabli dans la France, pour les troupes qui la
parcouraient, avait manque souvent, parce que les fournisseurs ne
voulaient plus rien avancer. Les detachemens partis des cotes de l'Ocean
pour renforcer l'armee d'Italie, etaient arretes en route. On avait
vu meme des hopitaux fermes, et les malheureux soldats qui les
remplissaient, expulses de l'asile que la republique devait a leurs
infirmites, parce qu'on ne pouvait plus leur fournir ni remedes ni
alimens. La gendarmerie etait entierement desorganisee. N'etant ni
vetue, ni equipee, elle ne faisait presque plus son service. Les
gendarmes, voulant menager leurs chevaux qu'on ne remplacait pas, ne
protegeaient plus les routes; les brigands, qui abondent a la suite des
guerres civiles, les infestaient. Ils penetraient dans les campagnes, et
souvent dans les villes, et y commettaient le vol et l'assassinat avec
une audace inouie.
Tel etait donc l'etat interieur de la France. Le caractere particulier
de cette nouvelle crise, c'etait la misere du gouvernement au milieu
d'un retour d'aisance chez les particuliers. Le directoire ne vivait
que des debris du papier, et de quelques millions que ses armees lui
envoyaient de l'etranger. Le general Bonaparte lui avait deja envoye 30
millions, et cent beaux chevaux de voiture pour contribuer un peu a ses
pompes.
Il s'agissait de detruire maintenant tout l'echafaudage du
papier-monnaie. Il fallait pour cela que le cours n'en fut plus force,
et que l'impot fut recu en valeur reelle. On declara donc, le 28
messidor (16 juillet), que tout le monde pourrait traiter comme il
lui plairait, et stipuler en monnaie de son choix; que les mandats ne
seraient plus recus qu'au cours reel, et que ce cours serait tous les
jours constate et publie par la tresorerie. On osa enfin declarer qu
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