xposant l'un des corps a
etre detruits, si Latour avait su profiter de leur isolement. Tous
les militaires ont reproche a Moreau ce mouvement, comme un de ces
demi-moyens qui ont tous les dangers des grands moyens, sans en avoir
les avantages. Moreau n'ayant pas, en effet, saisi l'occasion de se
rabattre vivement sur l'archiduc, lorsque celui-ci se rabattait sur
Jourdan, ne pouvait plus que se compromettre en se placant ainsi a
cheval sur le Danube.
Enfin, apres quatre jours d'attente dans cette position singuliere,
il en sentit le danger, se reporta au-dela du Danube, et songea a le
remonter pour se rapprocher de sa base d'operation. Il apprit alors la
retraite forcee de Jourdan sur la Lahn, et ne douta plus qu'apres avoir
ramene l'armee de Sambre-et-Meuse, l'archiduc ne volat sur le Necker,
pour fermer le retour a l'armee du Rhin. Il apprit aussi une tentative
faite par la garnison de Manheim sur Kehl, pour detruire le pont par
lequel l'armee francaise avait debouche en Allemagne. Dans cet etat de
choses, il n'hesita plus a se mettre en marche pour regagner la France.
Sa position etait perilleuse. Engage au milieu de la Baviere, oblige de
repasser les Montagnes-Noires pour revenir sur le Rhin, ayant en tete
Latour avec quarante mille hommes, et expose a trouver l'archiduc
Charles avec trente mille sur ses derrieres, il pouvait prevoir des
dangers extremes. Mais s'il etait depourvu du vaste et ardent genie que
son emule deployait en Italie, il avait une ame ferme et inaccessible a
ce trouble dont les ames vives sont quelquefois saisies. Il commandait
une superbe armee, forte de soixante et quelques mille hommes, dont le
moral n'avait ete ebranle par aucune defaite, et qui avait dans son
chef une extreme confiance. Appreciant une pareille ressource, il ne
s'effraya pas de sa position, et resolut de reprendre tranquillement sa
route. Pensant que l'archiduc, apres avoir replie Jourdan, reviendrait
probablement sur le Necker, il craignit de trouver ce fleuve deja
occupe; il remonta donc la vallee du Danube, pour aller joindre
directement celle du Rhin, par la route des villes forestieres. Ces
passages etant les plus eloignes du point ou se trouvait actuellement
l'archiduc, lui parurent les plus surs.
Il resta au-dela du Danube, et le remonta tranquillement, en appuyant
une de ses ailes au fleuve. Ses parcs, ses bagages marchaient devant
lui, sans confusion, et tous les jours ses arriere-gardes repoussaient
bravement le
|