on des plus beaux triomphes. Si
Moreau avait agi avec la rapidite du vainqueur de Montenotte, il pouvait
fondre sur les corps dissemines le long du fleuve, les detruire l'un
apres l'autre, et venir meme accabler Latour, qui repassait de Manheim
sur la rive droite, et qui, dans le moment, comptait tout au plus
trente-six mille hommes. Il aurait pu mettre ainsi hors de combat toute
l'armee du Haut-Rhin, avant que l'archiduc Charles put revenir des bords
de la Lahn. L'histoire fait voir que la rapidite est toute puissante
a la guerre, comme dans toutes les situations de la vie. Prevenant
l'ennemi, elle detruit en detail; frappant coup sur coup, elle ne lui
donne pas le temps de se remettre, le demoralise, lui ote la pensee
et le courage. Mais cette rapidite, dont on vient de voir de si beaux
exemples sur les Alpes et le Po, suppose plus que la simple activite;
elle suppose un grand but, un grand esprit pour le concevoir, de grandes
passions pour oser y pretendre. On ne fait rien de grand au monde sans
les passions, sans l'ardeur et l'audace qu'elles communiquent a la
pensee et au courage. Moreau, esprit lumineux et ferme, n'avait pas
cette chaleur entrainante, qui, a la tribune, a la guerre, dans toutes
les situations, enleve les hommes, et les conduit malgre eux a de vastes
fins.
Moreau employa l'intervalle du 7 au 10 messidor (25, 28 juin) a reunir
ses divisions sur la rive droite du Rhin. Celle de Saint-Cyr, qu'il
avait laissee a Manheim, arrivait a marches forcees. En attendant cette
division, il avait sous sa main cinquante-trois mille hommes, et il en
voyait une vingtaine de mille dissemines autour de lui. Le 10 (28 juin),
il fit attaquer dix mille Autrichiens retranches sur le Renchen, les
battit, et leur fit huit cents prisonniers. Les debris de ce corps se
replierent sur Latour, qui remontait la rive droite. Le 12 (30 juin),
Saint-Cyr etant arrive, toute l'armee se trouva au-dela du fleuve. Elle
presentait une masse de soixante-onze mille hommes, dont soixante-trois
mille d'infanterie, six mille chevaux, etc. Moreau donna la droite a
Ferino, le centre a Saint-Cyr, la gauche a Desaix. Il se trouvait au
pied des Montagnes Noires.
Les Alpes de Souabe forment un massif qui rejette, comme on sait, le
Danube a l'orient, le Rhin au nord: c'est a travers ce massif que
serpentent le Necker et le Mein pour se jeter dans le Rhin. Ce sont
des montagnes de mediocre hauteur, couvertes de bois, et traversees de
defiles etroi
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