les deborder. Les militaires
ont regarde cette idee comme un progres veritable et comme deja bien
preferable au systeme des cordons, tendant a attaquer l'ennemi sur tous
les points, mais elle s'etait changee dans l'esprit de Carnot en un
systeme arrete et dangereux. Les circonstances qui s'offraient ici
l'engageaient encore davantage a suivre ce systeme. L'armee de
Sambre-et-Meuse et celle de Rhin-et-Moselle etaient placees toutes deux
sur le Rhin, a deux points tres distans l'un de l'autre: deux vallees
partaient de ces points pour deboucher sur le Danube. C'etaient la
des motifs bien suffisans pour Carnot de former les Francais en deux
colonnes, dont l'une remontant par le Mein, l'autre par le Necker,
tendraient ainsi a deborder les ailes des armees imperiales, et a les
obliger de retrograder sur le Danube. Il prescrivit donc aux generaux
Jourdan et Moreau de partir, le premier de Dusseldorf, le second de
Strasbourg, pour s'avancer isolement en Allemagne. Comme l'ont remarque
un grand capitaine et un grand critique, et comme les faits l'ont prouve
depuis, se former en deux corps, c'etait sur-le-champ donner a l'ennemi
la faculte et l'idee de se concentrer, et d'accabler avec la masse
entiere de ses forces l'un ou l'autre de ces deux corps. Clerfayt
avait fait a peu pres cette manoeuvre dans la campagne precedente, en
repoussant d'abord Jourdan sur le Bas-Rhin, et en venant ensuite se
jeter sur les lignes de Mayence. Le general ennemi ne fut-il pas un
homme superieur, on le forcait par la a suivre ce plan, et on lui
suggerait la pensee que le genie aurait du lui inspirer.
L'invasion fut donc concertee sur ce plan vicieux. Les moyens
d'execution etaient aussi mal concus que le plan lui-meme. La ligne qui
separait les armees, remontait le Rhin de Dusseldorf jusqu'a Bingen,
decrivait un arc de Bingen a Manheim, par le pied des Vosges, et
rejoignait le Rhin jusqu'a Bale. Carnot voulait que l'armee de Jourdan,
debouchant par Dusseldorf et la tete du pont de Neuwied, se portat au
nombre de quarante mille hommes sur la rive droite, pour y attirer
l'ennemi; que le reste de cette armee, forte de vingt-cinq mille hommes,
partant de Mayence sous les ordres de Marceau, remontat le Rhin, et,
filant par les derrieres de Moreau, allat passer clandestinement le
fleuve aux environs de Strasbourg. Les generaux Jourdan et Moreau se
reunirent pour faire sentir au directoire les inconveniens de ce projet.
Jourdan, reduit a quarante mille
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