oup mieux que Foscarelli; et, maintenant qu'il avait atteint
l'objet de ses voeux, il feignit de s'apaiser, et de consentir a
entendre raison. Ce qu'il voulait pour l'avenir, c'etaient des vivres,
et meme, s'il etait possible, une alliance de Venise avec la France. Il
fallait tour a tour imposer et seduire: il fit l'un et l'autre. "La
premiere loi, dit-il, pour les hommes est de vivre. Je voudrais epargner
a la republique de Venise le soin de nous nourrir; mais puisque le
destin de la guerre nous a obliges de venir jusqu'ici, nous sommes
contraints de vivre ou nous nous trouvons. Que la republique de Venise
fournisse a mes soldats ce dont ils ont besoin; elle comptera ensuite
avec la republique francaise." Il fut convenu qu'un fournisseur juif
procurerait a l'armee tout ce qui lui serait necessaire, et que Venise
paierait en secret ce fournisseur, pour qu'elle ne parut pas violer la
neutralite en nourrissant les Francais. Bonaparte aborda ensuite la
question d'une alliance. "Je viens, dit-il, d'occuper l'Adige; je l'ai
fait parce qu'il me faut une ligne, parce que celle-ci est la meilleure,
et que votre gouvernement est incapable de la defendre. Qu'il arme
cinquante mille hommes, qu'il les place sur l'Adige, et je lui rends ses
places de Verone et de Porto-Legnago. Du reste, ajouta-t-il, vous devez
nous voir ici avec plaisir. Ce que la France m'envoie faire dans ces
contrees, est tout dans l'interet de Venise. Je viens chasser les
Autrichiens au-dela des Alpes; peut-etre constituer la Lombardie en etat
independant; peut-on rien faire de plus avantageux a votre republique?
Si elle voulait s'unir a nous, peut-etre recevrait-elle un grand prix de
ce service. Nous ne faisons la guerre a aucun gouvernement: nous sommes
les amis de tous ceux qui nous aideront a renfermer la puissance
autrichienne dans ses limites."
Les deux Venitiens sortirent frappes du genie de ce jeune homme, qui,
tour a tour menacant ou caressant, imperieux ou souple, et parlant de
tous les objets militaires et politiques avec autant de profondeur que
l'eloquence, annoncait que l'homme d'etat etait aussi precoce en lui que
le guerrier. _Cet homme_, dirent-ils en ecrivant a Venise, _aura un jour
une grande influence sur sa patrie_[5].
[Footnote 5: Cette prediction est du 5 juin 1796.]
Bonaparte etait maitre enfin de la ligne de l'Adige, a laquelle il
attachait tant d'importance. Il attribuait toutes les fautes comprises
dans les anciennes campagnes de
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